Dans l’affaire commentée, la Cour administrative d’appel de Lyon estime que le sursis à statuer ne peut pas être étendu aux procédures de modification du PLU. Elle s’appuie sur le fondement de l’article L. 600-9 du Code de l’urbanisme qui prévoit en effet que « Si le juge administratif, saisi de conclusions dirigées contre (…), un plan local d'urbanisme (…) peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer (…) ». Il résulte de ce qui précède que la commune Bourg-en-Bresse n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que le Tribunal administratif de Lyon a rejeté ses moyens tendant à la mise en œuvre du sursis à statuer dans le cadre de la procédure de modification contestée de son PLU.
Le Code de l'urbanisme définit plusieurs procédures permettant de faire évoluer les documents d'urbanisme. Elles présentent des degrés différents de complexité et de longueur.
La loi n° 02014-366 du 24 mars 2014, pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR) a créé un nouvel article L. 600-9 au sein de ce code. Cet article permet au juge administratif de surseoir à statuer lorsqu’il est saisi d’une demande d’annulation d’un document d’urbanisme, à savoir les PLU, les SCOT et les cartes communales. Ce mécanisme ne s’applique que si l’illégalité affectant le document d’urbanisme est régularisable.
Ces dispositions combinent la procédure administrative contentieuse et la possibilité de régularisation, afin de prévenir les graves conséquences qui peuvent résulter d’une annulation. Ainsi, la régularisation peut concerner un ou plusieurs vices entachant la légalité d’un document d’urbanisme contesté dans le cadre d’une procédure d’élaboration ou de révision, mais pas dans le cadre d’une modification. (v. la réponse ministérielle du 4 avril 2017 sur l’application de l’article L. 600-9 du Code de l’urbanisme publié au JO, p. 2778) .
Cet article permet au juge administratif, plutôt que d'annuler un document d'urbanisme (PLU, SCOT ou carte communale), de sursoir à statuer et de laisser un délai pour régulariser des illégalités affectant les procédures. En effet, le juge ne peut décider de surseoir à statuer que dans le cadre d’une contestation de la procédure d’élaboration ou de révision. Par exemple, en cas d’illégalité affectant le PLU, l’article L. 600-9 exige des conditions pour que le juge ordonne un délai approprié pour la régularisation.
C’est dans ce contexte que la commune de Bourg-en-Bresse, a décidé en 2017 de modifier son plan local d’urbanisme (PLU), par une délibération du conseil municipal, en date du 25 septembre 2017 et portant modification des orientations d’aménagement et de programmation, du règlement, du zonage et d’une annexe.
Le Tribunal administratif de Lyon a toutefois annulé cette délibération par un jugement du 11 décembre 2018, sur la demande d’un propriétaire de biens immobiliers situés sur le territoire de la commune, M. X., mécontent de l’acte de modification du PLU. Il s’est pour cela fondé sur le fait que « l'avis d'enquête publique méconnait les dispositions des articles R. 123-9 et R. 123-11 du code de l'environnement en ce qu'il ne fait pas état des caractéristiques principales du projet et qu'il évoque une procédure d'élaboration du plan local d'urbanisme alors qu'une procédure de modification était en cours ; ». De plus, il considère que « les dispositions de l'article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales ont été méconnues en l'absence de note de synthèse dans les délais impartis ; (…) . ». La commune a interjeté appel et a demandée à la Cour administrative d’appel de Lyon de faire application des dispositions de l’article L. 600-9 du Code de l’urbanisme.
Cependant la cour a confirmé le jugement par un arrêt du 16 juin 2020 en refusant, dans un premier temps, de faire application des dispositions de l’article L. 600-9 relatives au sursis à statuer. Puis, dans un second temps, elle a également précisé que les dispositions de l’article 137 II de la loi (ALUR) qui prévoient que « [...] . Les articles L. 123-1-1 et L. 600-9 du code de l'urbanisme, dans leur rédaction résultant de la présente loi, sont applicables aux documents dont l'élaboration, la révision ou la modification a été engagée avant la publication de cette même loi. » ne constituent que des dispositions transitoires relatives à l’entrée en vigueur de la loi du 24 mars 2014, et n’ont, en conséquence aucun effet sur l’application de l’article L. 600-9 du Code de l’urbanisme.
Le Tribunal administratif de Lyon avait déjà statué à deux reprises en ce sens dans des jugements relatifs à la délibération du conseil municipal de Ternay du 16 mai 2017 approuvant la modification n° 01 du plan local d’urbanisme de cette commune (TA de Lyon, 29 mars 2018, n° 01605410) puis, quelques mois plus tard, à la délibération du 25 septembre 2017 du conseil municipal de Bourg-en-Bresse approuvant la modification n° 01 de son plan local d’urbanisme (TA de Lyon, 11 décembre 2018, n° 01801989) . Le raisonnement est le même dans les deux jugements.
Dans cet arrêt commenté, la Cour a pris acte du jugement du Tribunal administratif de Lyon. Elle, reprend le considérant de principe du jugement en rappelant qu’un « juge ne peut prononcer le sursis à statuer lorsque l’illégalité concerne une procédure de modification qui n’est pas visée par les dispositions de l’article L. 600-9 du Code de l’urbanisme ». La Cour relève également que les dispositions du II de l’article 137 de la loi ALUR, invoquées par la commune de Bourg-en-Bresse, ne constituent que des dispositions transitoires relatives à l’entrée en vigueur de cette loi du 24 mars 2014, et n’ont aucune vocation à modifier le champ d’application de l’article L. 600-9 du Code de l’urbanisme. Cette position de la Cour conforte sa position de ne pas recourir au sursis à statuer dans cette affaire.
Dans un arrêt de la Cour administrative d’appel de Nantes (12 octobre 2018, Commune de Trignac, n° 15NT03219, inédit), le juge avait sursis à statuer sur l’appel de la société AFM Recyclage jusqu’à l’expiration d’un délai de quatre mois imparti à la communauté d’agglomération de la région nazairienne et de l’estuaire pour notifier à la Cour une délibération régularisant le vice de procédure tiré de l’insuffisance de la procédure de modification du PLU de la commune. Or le Conseil d’État écarte le moyen en se bornant à rappeler qu’ « il incombait à la cour de viser » la note en délibéré adressée par la société AFM Recyclage et enregistrée au greffe de la Cour administrative d’appel de Nantes le 1er décembre 2017. « Faute de l’avoir fait, son arrêt est irrégulier et doit, par suite, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens des pourvois, être annulé ». (C.E., 16 décembre 2019, La société AFM Recyclage, n° 418269, au Lebon; C.E., 30 mai 2018, Commune de Sète, n° 408068 ; inédit) .
On notera que la mise en œuvre du sursis à statuer sur le fondement de l’article L. 600-9 du Code de l’urbanisme, ne concerne finalement qu’un faible nombre de documents d’urbanisme. Le mécanisme n’est donc pas étendu aux autres documents d’urbanisme, comme, par exemple, les plans d’occupation des sols (POS), les plans d’aménagement de zone (PAZ), les plans de sauvegarde de mise en valeur (PSMV), ou encore les plans de prévention des risques naturels.
Enfin, que si le juge administratif a pris acte des attentes des communes et des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) en appliquant dans certains cas le dispositif de sursis à statuer pour éviter de graves conséquences, toutefois, nous constatons que l’usage de ce dispositif reste encore très limité. En outre, les dispositions de l’article L. 600-9 du Code de l’urbanisme, s’inspirent explicitement l’article L. 600-5-1 du présent code relatif au permis de construire (C.E., 15 février 2019, Commune de Cogolin, n° 401384, au Lebon) .
Même s’il ne fait que confirmer des solutions antérieures (C.E., 16 décembre 2019, La société AFM Recyclage, n° 0418269, préc. ; C.E., 30 mai 2018, Commune de Sète, n° 0408068, préc.) l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Lyon du 16 juin 2020 devrait faire reculer des interprétations trop larges des dispositions de l’article L. 600-9 du Code de l’urbanisme, qui seraient favorables à que le sursis à statuer soit étendu aux procédures de modification d’un document d’urbanisme, notamment le PLU.