Ce sont deux requêtes en tierce-opposition que vous présentent les sociétés IF Allandon et Massonex, contre l’arrêt 18LY00287 et 18LY00290 du 13 juin 2019 de la 5ème chambre de la cour, sur le fondement de l’article R. 832-1 du code de justice administrative, en vertu duquel : « Toute personne peut former tierce opposition à une décision juridictionnelle qui préjudicie à ses droits, dès lors que ni elle ni ceux qu’elle représente n’ont été présents ou régulièrement appelés dans l’instance ayant abouti à cette décision. ».
L’arrêt du 13 juin 2019 de la cour qui est visé a statué sur deux requêtes de la société Eurocommercial Properties Taverny visant deux arrêtés du 6 décembre 2017 par lesquels le maire de la commune de Thoiry a refusé de lui délivrer, dans la suite d’un avis défavorable de la commission nationale d’aménagement commercial (CNAC) du 12 octobre 2017, le permis de construire valant autorisation d’exploitation commerciale, s’agissant d’une part du transfert et de l’extension, au sein de la zone commerciale dite Pré Fontaine, d’un magasin de l’enseigne Leroy Merlin, et s’agissant d’autre part de l’extension de la galerie du centre commercial « Val Thoiry ». La CNAC avait été saisie de recours contre l’avis favorable de la CDAC par les sociétés IF Allandon et Massonex promotrices du projet concurrent « Open », approuvé le 23 mai 2017 par la CNAC, sur la commune voisine de Saint-Genis-Pouilly
La cour administrative d’appel de Lyon, par son arrêt du 13 juin 2019, a donc annulé les deux refus du 6 octobre 2017 du maire de de la commune de Thoiry.
Cet arrêt, alors même qu’il n’enjoint pas au maire de délivrer les permis demandés, préjudicie très clairement aux droits des sociétés IF Allandon et Massonex, puisque, validant la légalité des deux demandes d’autorisation d’exploitation commerciale de la société Eurocommercial Properties, il remet en concurrence ces deux projets avec celui des sociétés IF Allandon et Massonex. Celles-ci avaient d’ailleurs, comme nous l’avons dit, contesté l’avis favorable de la CDAC devant la CNAC en tant que concurrentes. Et cet avis, défavorable, de la CNAC, qui a été incorporé aux refus du maire de Thoiry, a créé des droits au bénéfice des sociétés IF Allandon et Massonex. Les sociétés requérantes citent sur ce point une jurisprudence qui recouvre un cas de figure approchant, celui d’une décision administrative obtenue à la suite de l’exercice d’un recours administratif par un syndicat de pharmaciens et qui est ensuite annulée par une décision juridictionnelle, c’est la décision du Conseil d’Etat n° 169836 du 28 mai 1997 Syndicats des pharmaciens de la Seine-Maritime, au Recueil.
Et dans l’instance ayant conduit à l’arrêt de la cour du 13 juin 2019, les sociétés IF Allandon et Massonex n’étaient par ailleurs ni présentes ni régulièrement appelées. Cela ressort des mentions de l’arrêt lui-même.
Ainsi, les deux conditions mises à la tierce-opposition par l’article R. 832-1 du code de justice administrative sont satisfaites. Vous pourrez en conséquence admettre les deux requêtes en tierce-opposition qui vous sont présentées.
Cela dit, dans ces deux affaires la société Eurocommercial Properties indique dans ses écrits en défense qu’elle a décidé de renoncer à son projet initial, ce dont elle a informé le maire de Thoiry par lettre du 18 juillet 2019. Et elle conclut de ce fait au non-lieu à statuer. Par lettre du 3 octobre 2019, le 1er adjoint au maire de Thoiry, délégué à l’urbanisme, a pris acte du renoncement pur et simple de la société Eurocommercial Properties à son projet et a décidé de classer sans suite les demandes de permis de construire valant autorisation d’exploitation commerciale dont il s’agit.
La commune de Thoiry conclut aussi au non-lieu à statuer en précisant que la société Eurocommercial Properties a renoncé à confirmer ses demandes de permis de construire sur le fondement de l’article L.600-2 du code de l’urbanisme, car en réalité elle s’est orientée vers un projet plus modeste qui a reçu un avis favorable de la CDAC.
Pour les sociétés IF Allandon et Massonex, le renoncement de la société Eurocommercial Properties et le classement sans suite, par la commune, des demandes de permis de construire valant autorisation d’exploitation commerciale ne rendrait pas pour autant sans objet leurs requêtes en tierce-opposition. Pour les requérantes, seule une nouvelle décision juridictionnelle se substituant à celle visée par les tierces-oppositions mettrait fin au litige, car la décision contestée est ici l’arrêt de la Cour, pas les refus de permis initiaux qui ont été annulés ; la société Eurocommercial Properties a seulement renoncé à ses demandes de permis de construire valant autorisation d’exploitation commerciale et elle pourrait tout aussi bien, selon les requérantes, revenir sur cette décision et bénéficieraient alors d’une décision juridictionnelle validant la légalité de leur opération et revêtue de l’autorité de chose jugée.
En effet, dans ces affaires, un non-lieu à statuer mettrait seulement fin à l’instance mais l’arrêt de la cour du 13 juin 2019 resterait dans l’ordonnancement juridique : voyez sur ce point la décision du Conseil d’Etat n° 070777, 13 juillet 1967, école privée de filles de Pradelles.
Dans ce contexte, alors qu’un non-lieu à statuer est invoqué mais que les requêtes conservent un objet, vous pourrez analyser les conclusions à fin de non-lieu qui vous sont présentées comme des conclusions à fin de désistement : voyez sur ce point les décisions du Conseil d’Etat n° 128127, 11 juin 1993, commune de Clermont-Ferrand, et n° 264438 du 27 juillet 2005
Et il a été jugé qu’un désistement effectué au cours de la requête en tierce-opposition par la partie qui avait gagné dans le cadre de l’instance initiale doit conduire le juge à considérer que la décision juridictionnelle initiale est non avenue, ce qui permet de constater le désistement sur la requête initiale dans le cadre de la requête en tierce-opposition : voyez sur ce point la décision du Conseil d’Etat n° 190696 du 22 février 2002, société Albion développement et SCI des Hautes Roches, en A.
Par ces motifs, nous concluons à admettre les tierces-oppositions formées par les sociétés IF Allondon et Massonex, déclarer comme étant non avenu l’arrêt de la cour n°s 18LY00287 et 18LY00290 du 13 juin 2019, donner acte du désistement des requêtes n° 18LY00287 et n° 18LY00290 de la SNC Eurocommercial properties Tarverny, et, dans les circonstances de l’espèce, rejeter les conclusions présentées par la commune de Thoiry, la société IF Allondon et la SCI Massonex sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.