Sur l’autorisation de mise sur le marché du Roundup Pro 360

Lire les conclusions de :

Décision de justice

TA Lyon – N° 1704067 – comité de recherche et d'information indépendantes sur le génie génétique – 15 janvier 2019 – C

Jugement confirmé en appel : voir CAA de Lyon, 3ème chambre - N° 19LY01017-19LY01031 - Société Bayer Seeds SAS - agence Nationale de Sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail - 29 juin 2021 - C+     - Rejet du pourvoi en cassation : voir CE, 23 octobre 2024, n° 456108

Juridiction : TA Lyon

Numéro de la décision : 1704067

Date de la décision : 15 janvier 2019

Code de publication : C

Index

Mots-clés

Charte de l'environnement, Principe de précaution, Santé publique, Atteinte à l'environnement susceptible de nuire de manière grave à la santé, Roundup Pro 360, Typhon, Glyphosate, Autorisation de mise sur le marché, Pourvoi en cassation en cours

Rubriques

Santé publique, Urbanisme et environnement

Résumé

Saisi par le Comité de Recherche et d’Information Indépendantes sur le Génie Génétique (CRIIGEN), le tribunal administratif de Lyon a annulé, par un jugement du 15 janvier 2019, pris en application du principe de précaution, la décision du 6 mars 2017 autorisant la mise sur le marché du Roundup Pro 360. 

L’agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) avait autorisé par une décision du 6 mars 2017 la mise sur le marché du Roundup Pro 360, herbicide à base de glyphosate, commercialisé par la société Monsanto. Le tribunal administratif de Lyon a annulé cette décision, par un jugement du 15 janvier 2019, pris en application du principe de précaution défini par l’article 5 de la Charte de l’environnement.

Malgré l’approbation de la substance active (glyphosate) par l’Union européenne, le tribunal administratif a estimé que les études scientifiques et les expériences animales montraient que le Roundup Pro 360, préparation dont la toxicité est plus importante que celle du glyphosate, est un produit potentiellement cancérigène pour l’homme, suspecté d’être toxique pour la reproduction humaine et pour les organismes aquatiques. Il en a déduit que l’utilisation du Roundup Pro 360 porte une atteinte à l’environnement susceptible de nuire de manière grave à la santé humaine.

Conclusions du rapporteur public

Arnaud Porée

Rapporteur public au TA de Lyon

Autres ressources du même auteur

  • IDREF

DOI : 10.35562/alyoda.8391

Le produit phytopharmaceutique Typhon bénéfice d’une autorisation de mise sur le marché en France au profit de la société Adama France, et cette autorisation de mise sur le marché a été renouvelée le 9 février 2009 par le ministre de l’Agriculture.

La société Monsanto a déposé auprès de l’Agence nationale de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) une demande d’autorisation de mise sur le marché du produit phytopharmaceutique de revente Roundup Pro 360, sur la base de son caractère identique au produit de référence Typhon. L’ANSES a pris le 7 novembre 2016 une décision d’autorisation de mise sur le marché du produit Roundup Pro 360 au bénéfice de la société Monsanto. Le Comité de recherche et d’information indépendante sur le génie génétique (CRIIGEN) a formé le 26 janvier 2017 un recours gracieux dirigé contre cette décision.

Par une décision en date du 6 mars 2017, l’ANSES a retiré sa décision du 7 novembre 2016, et l’a remplacée par une nouvelle autorisation de mise sur le marché du produit Roundup Pro 360. Par la présente requête, le CRIIGEN demande au tribunal d’annuler la décision de l’ANSES en date du 6 mars 2017 autorisant la mise sur le marché du produit Roundup Pro 360 à la société Monsanto, et de saisir la CJUE d’une question préjudicielle en appréciation de validité du règlement d’exécution (UE) n° 2016/1056 de la Commission du 29 juin 2016 modifiant le règlement d’exécution (UE) n° 540/2011 en ce qui concerne la prolongation de la période d’approbation de la substance active glyphosate, ainsi que du règlement d’exécution (UE) n° 2016/1313 de la Commission du 1er août 2016 modifiant le règlement d’exécution (UE) n° 540/2011 en ce qui concerne les conditions d’approbation de la substance active glyphosate.

I- Sur la recevabilité de la requête du CRIIGEN 

Le Conseil d’Etat CE 10/ 7 SSR, 1999-03-22, 180940, Union syndicale de défense des Français repliés d’Algérie, B, a jugé qu’en l’absence, dans les statuts de l’association, de stipulation réservant expressément à un organe la capacité de décider de former une action en justice au nom de l’association, ou, à défaut, le pouvoir de représenter en justice l’association, seul le conseil d’administration de cette dernière, qui aux termes de l’article 10 des statuts « jouit (…) des pouvoirs les plus étendus pour agir au nom de l’Union syndicale (…) et autorise tous les actes relatifs à son objet qui ne sont pas de la compétence de l’assemblée générale extraordinaire », peut autoriser le vice-président de l’association à agir devant le juge administratif, et que, par suite, irrecevabilité de la requête présentée par le vice-président qui n’a présenté, malgré une demande de régularisation, qu’une décision du « comité national » l’habilitant à agir. L’article 11 des statuts de l’association CRIIGEN stipule que le conseil d’administration donne l’autorisation au président d’agir auprès de la justice afin de défendre les buts que le CRIIGEN s’est donné. Par une délibération en date du 4 avril 2017, le conseil d’administration du CRIIGEN a autorisé le président de l’association à agir dans le cadre d’une requête contre la décision de l’ANSES d’autorisation de mise sur le marché du produit phytopharmaceutique Roundup Pro 360. Enfin, vous ferez application de la décision du CE 1 / 6 SSR, 2013-06-19, 347346, SCI Ugari, B, selon laquelle si le juge administratif doit s’assurer de la réalité de l’habilitation du représentant de l’association qui l’a saisi, lorsque celle-ci est requise par les statuts, il ne lui appartient pas, en revanche, de vérifier la régularité des conditions dans lesquelles une telle habilitation a été adoptée. Ainsi, la société Monsanto ne peut utilement se prévaloir des règles de quorum et de majorité. Par suite, la fin de non- recevoir opposée par la société Monsanto sera écartée.

II- Sur l’incompétence 

La décision attaquée du 6 mars 2017 a été signée par Mme V., directrice générale adjointe des produits réglementés de l’ANSES. L’article R. 1313-23 du code de la santé publique dispose que le directeur général de l’ANSES peut déléguer sa signature aux personnels placés sous son autorité. Par l’article 3 de la décision n° 2017-01-031 du 30 janvier 2017 du directeur général de l’ANSES portant délégation de signature, publiée le 1er février 2017 au registre électronique des actes et décisions de l’ANSES, délégation est donnée à Mme V., directrice générale adjointe des produits réglementés, à l’effet de signer, au nom du directeur général de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, les actes et décisions entrant dans le champ de compétence des produits réglementés (produits phytopharmaceutiques, matières fertilisantes, supports de culture et leurs adjuvants, macroorganismes et produits biocides) à l’exclusion des avis scientifiques et des conclusions d’évaluation. La décision de délégation indique avec précision le type de délégation, soit de signature, ainsi que les matières concernées. Elle est personnelle car donnée à Mme V. en tant que telle, et elle n’organise pas le transfert d’une compétence entre le directeur général de l’ANSES et Mme V. Et, alors même que la décision de délégation vise « Délégations de signature générales », la délégation au bénéfice de Mme V. est malgré tout limitée, car elle exclut de la compétence de cette dernière la signature des avis scientifiques et des conclusions d’évaluation.

III- Le principe d’impartialité s’impose à toute autorité administrative1

Certes, les décisions du Conseil d’Etat CE Assemblée, 2012-12-21, 353856, société Groupe Canal Plus et société Vivendi Universal, A, et CE 3 / 8 CHR, 2018-03-09, 399413, Crédit mutuel Arkéa et autres, B, ont fait application de l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, mais c’était dans le domaine des sanctions administratives. Toutefois, hors du contentieux des sanctions administratives, le Conseil d’Etat CE 6 / 1 CHR, 2017-12-06, 400559, association France Nature Environnement, B, a jugé que la directive du 27 juin 2001 comme celle du 13 décembre 2011 ont pour finalité commune de garantir qu’une autorité compétente et objective en matière d’environnement soit en mesure de rendre un avis sur l’évaluation environnementale des plans et programmes ou sur l’étude d’impact des projets, publics ou privés, susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement, avant leur approbation ou leur autorisation, qu’eu égard à l’interprétation des dispositions de l’article 6 de la directive du 27 juin 2001 donnée par la Cour de justice de l’Union européenne dans son arrêt rendu le 20 octobre 2011 dans l’affaire C-474/10, et à la finalité identique des dispositions des deux directives relatives au rôle « des autorités susceptibles d’être concernées par le projet, en raison de leurs responsabilités spécifiques en matière d’environnement », il résulte clairement des dispositions de l’article 6 de la directive du 13 décembre 2011 que, si elles ne font pas obstacle à ce que l’autorité publique compétente pour autoriser un projet ou en assurer la maîtrise d’ouvrage soit en même temps chargée de la consultation en matière environnementale, elles imposent cependant que, dans une telle situation, une séparation fonctionnelle soit organisée au sein de cette autorité, de manière à ce qu’une entité administrative, interne à celle-ci, dispose d’une autonomie réelle, impliquant notamment qu’elle soit pourvue de moyens administratifs et humains qui lui sont propres, et soit ainsi en mesure de remplir la mission de consultation qui lui est confiée et de donner un avis objectif sur le projet concerné. Et, le Conseil d’Etat CE 6 / 5 CHR, 2018-07-09, 410917 411030, commune de Villiers-Le-Bâcle et autres, B, a jugé que pour les projets de travaux, d’ouvrages ou d’aménagements qui donnent lieu à une décision du ministre chargé de l’environnement ou à un décret pris sur son rapport, l’autorité environnementale (AE) chargée de rendre un avis sur les projets soumis à évaluation environnementale est la formation d’AE du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD), qu’il résulte du décret n° 2015-1229 du 2 octobre 2015 relatif au CGEDD, et notamment de son article 11, d’une part, que les membres de la formation d’AE du CGEDD sont désignés parmi les membres permanents de ce dernier ou, pour un tiers au plus, parmi ses membres associés par le ministre chargé de l’environnement en raison de leurs compétences en matière d’environnement, sur proposition du vice-président formulée après concertation avec le commissaire général au développement durable et avis du bureau à raison de leur compétence en matière d’environnement et de leur connaissance spécifique des enjeux environnementaux et, d’autre part, que cette autorité environnementale dispose de services propres placés sous son autorité, qu’elle doit donc doit être regardée, dans ces conditions, comme disposant d’une autonomie réelle, la mettant en mesure de remplir la mission de consultation qui lui est confiée et de donner un avis objectif sur les projets, plans et programmes qui lui sont soumis. Mais, en l’espèce, Mme V. est directrice générale adjointe des produits réglementés de l’ANSES, et dirige à ce titre la direction de l’évaluation des risques et dangers des produits réglementés ainsi que la direction des autorisations de mise sur le marché. Ainsi, quand bien même Mme V. n’a pas délégation pour signer les avis scientifiques et conclusions d’évaluation, la direction de l’évaluation des risques et dangers n’a pas d’autonomie réelle à son égard. Toutefois, le CE 6 / 1 CHR, 2017-12-06, 400559, association France Nature Environnement, B, a pris sa décision en se fondant sur le paragraphe 1 de l’article 6 de la directive du 13 décembre 2011, selon lequel « Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que les autorités susceptibles d’être concernées par le projet, en raison de leurs responsabilités spécifiques en matière d’environnement, aient la possibilité de donner leur avis sur les informations fournies par le maître d’ouvrage et sur la demande d’autorisation. À cet effet, les États membres désignent les autorités à consulter, d’une manière générale ou cas par cas. (…) », et dont il résulte clairement, selon le CE, que, si ces dispositions ne font pas obstacle à ce que l’autorité publique compétente pour autoriser un projet ou en assurer la maîtrise d’ouvrage soit en même temps chargée de la consultation en matière environnementale, elles imposent cependant que, dans une telle situation, une séparation fonctionnelle soit organisée au sein de cette autorité. Or, les dispositions du règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques sont aussi claires, mais en allant dans un autre sens. Si le considérant 12 de ce règlement indique que l’Autorité européenne de sécurité des aliments effectue une évaluation des risques, tandis que la Commission européenne assume le rôle de la gestion des risques et prend la décision définitive concernant une substance active, et prévoit donc une séparation organique entre l’évaluation des risques et la prise de décision, ces dispositions ne concernent que la procédure d’approbation des substances actives au niveau communautaire, mais non les autorisations de mise sur le marché de produits phytopharmaceutiques. En revanche, l’article 3 : Définitions du règlement (CE) n° 1107/2009 du 21 octobre 2009 dispose que « Aux fins du présent règlement, on entend par : (…) 30) « autorité compétente », toute(s) autorité(s) d’un État membre chargé d’accomplir les tâches prévues dans le présent règlement ; (…) », l’article 36 : Examen en vue de l’autorisation de ce règlement dispose que « 1. L’État membre examinant la demande procède à une évaluation indépendante, objective et transparente, à la lumière des connaissances scientifiques et techniques actuelles en utilisant les documents d’orientation disponibles au moment de la demande. (…) », et l’article 75 : Autorité compétente dudit règlement dispose que « 1. Chaque État membre désigne une ou des autorités compétentes chargée de s’acquitter des obligations découlant du présent règlement. (…) 4. Chaque État membre communique les informations concernant son ou ses autorité(s) nationale(s) compétente(s) à la Commission, à l’Autorité et aux autorités nationales de coordination des autres États membres et les informe de toute modification de ces informations. (…) ». Il en résulte qu’une seule autorité, en l’espèce l’ANSES, peut procéder à l’évaluation des risques et délivrer l’autorisation de mise sur le marché du produit phytopharmaceutique ayant fait l’objet de l’évaluation, et il n’en résulte pas qu’une entité autonome de l’entité de décision doive procéder à l’évaluation des risques.

IV- 

Le Conseil d’Etat CE 3 / 8 SSR, 2012-07-23, 341726, association générale des producteurs de maïs, B, a jugé à propos du défaut de consultation de l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa) préalablement à l’édiction d’une mesure relevant de l’article L. 253-3 du code rural et de la pêche maritime d’interdiction, de restriction ou de prescription particulière concernant la mise sur le marché, la délivrance, l’utilisation et la détention d’un produit phytopharmaceutique, en méconnaissance de l’article R. 253-1 du même code, que la consultation prévue par les dispositions de l’article R. 253-1 du code rural et de la pêche maritime ne constitue pas une garantie et que l’omission de cette consultation n’a pas eu pour effet d’affecter la compétence des auteurs de l’arrêté attaqué, que dans les circonstances particulières de l’espèce, faisant apparaître que l’Afssa avait précédemment émis de nombreuses recommandations allant dans le sens des mesures prises, son absence de consultation n’a pas eu d’incidence sur le sens de la décision prise. L’article R. 253-14 du code rural et de la pêche maritime dispose que « I.- L’Agence procède à l’examen des demandes sans conduire d’évaluation répondant aux conditions mentionnées à l’article R. 253-13 dans les cas suivants : …) 7° Demande d’autorisation d’un produit de seconde gamme ou d’un produit de revente. (…) », et le I de l’article D. 253-9 du même code dispose que « Un produit de composition strictement identique à un autre produit déjà autorisé sur le territoire national, dit "produit de référence", est dénommé : (…) "produit de revente" lorsque la demande le concernant est présentée par un demandeur distinct du titulaire de l’autorisation de mise sur le marché du produit de référence après accord de ce dernier et vise une gamme d’usages identique ou différente de celle du produit de référence. ». Ainsi, la composition doit être strictement identique entre le produit de référence et le produit de revente. Et, par comparaison, l’article 52 : Commerce parallèle du règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques, dispose que « 1. Un produit phytopharmaceutique qui est autorisé dans un État membre (État membre d’origine) peut, sous réserve de l’octroi d’un permis de commerce parallèle, être introduit, mis sur le marché ou utilisé dans un autre État membre (État membre d’introduction) si ce dernier établit que la composition du produit phytopharmaceutique est identique à celle d’un produit phytopharmaceutique déjà autorisé sur son territoire (produit de référence). (…) 3. Les produits phytopharmaceutiques sont réputés identiques aux produits de référence : a) s’ils ont été fabriqués par la même société ou par une société associée ou sont fabriqués sous licence selon le même procédé de fabrication ; b) s’ils sont identiques pour ce qui est de la spécification, de la teneur et du type de formulation aux substances actives, phytoprotecteurs et synergistes et du type de formulation ; et c) s’ils sont identiques ou équivalents en ce qui concerne les coformulants présents et la dimension, le matériau ou la forme de l’emballage, pour ce qui est de l’impact négatif potentiel sur la sécurité du produit en ce qui concerne la santé humaine ou animale ou l’environnement. (…) ». Le CE 3 / 8 SSR, 2012-03-07, 332805, mouvement pour les droits et le respect des générations futures et autres, A, a jugé qu’une substance qui n’exerce dans une préparation phytopharmaceutique donnée, eu égard notamment à ses caractéristiques propres et à son degré de concentration dans ce produit, aucune des fonctions qui caractérisent une « action générale ou spécifique » sur des végétaux ou organismes cibles, mais permet seulement d’obtenir une certaine forme de cette préparation, par exemple un simple agent « mouillant », ne constitue pas une « substance active » de cette préparation, mais qu’il incombe en tout état de cause au ministre, dans l’hypothèse où il estime qu’une substance inscrite sur la liste des substances actives autorisées qui constitue l’un des composants d’une préparation ne remplit pas, dans cette préparation, l’une des fonctions qui caractérisent une des « actions générales ou spécifiques » mentionnées ci-dessus et qu’elle n’y est donc pas « active », de l’établir. Et, le CE 3 / 8 SSR, 2012-03-07, 332804, mouvement pour les droits et le respect des générations futures et X., B, a jugé que le juge administratif exerce un contrôle de l’erreur manifeste sur l’appréciation des propriétés d’un composant d’un produit phytopharmaceutique, et qu’il appartient à l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA), dans le cadre d’une demande d’autorisation de la mise sur le marché d’un produit phytopharmaceutique, de procéder à une évaluation complète des risques que ce produit peut présenter pour la santé humaine ou animale ou pour l’environnement, en tenant compte, le cas échéant, des effets synergiques entre la substance active et les autres substances entrant dans la composition du produit lorsque leur prise en compte est pertinente pour l’évaluation de ces risques. Tout d’abord, il ressort de l’attestation de la société Adama France qu’elle fournit à la société Monsanto la préparation Typhon, qui fait l’objet de la demande de revente sous le nom de Roundup Pro 360. Et, il ressort des pièces du dossier que le produit Typhon est composé de sel d’isopropylamine de glyphosate dans une fourchette allant de 40 à 50 %, alors que le produit Roundup Pro 360 est composé de sel d’isopropylamine de glyphosate à hauteur de 41,5 %, et donc dans la fourchette du produit Typhon. Il ressort des pièces du dossier que le produit Roundup Pro 360 est composé d’ammonium quaternaire à hauteur de 9,5 %, que le produit Typhon est composé de Carboxylatométhyl – diméthyltétradécylammonium et de Carboxylatométhyl – dodécyldiméthylammonium à hauteur de 2 fois un nombre entre 1 et 5 %, que le Carboxylatométhyl est équivalent à l’ammonium quaternaire, et que la fourchette de deux fois un nombre compris entre 1 et 5 est proche du taux de 9,5 % au sein du produit Roundup Pro 360. Il ressort également des pièces du dossier que le produit Roundup Pro 360 est également composé d’eau et d’ingrédients mineurs de formulation à hauteur de 49 %, et que le produit Typhon est également composé de Dodécyldimethylamine en quantité à hauteur d’une fourchette allant de 0,1 à 1 %, et l’eau n’a qu’un effet mouillant, et il ne résulte pas de l’instruction que les autres éléments seraient des coformulants, même s’il est très dommageable que l’ANSES n’indique pas en défense ce que recouvre sa formule « ingrédients mineurs de formulation », qui, avec l’eau, constituent 49 % de la préparation Roundup Pro 360. Par suite, le moyen tiré de l’erreur manifeste d’appréciation sera écarté.

V- 

Le Conseil d’Etat CE Section, 2013-12-30, 367615, A, a jugé que l’illégalité d’un acte administratif, qu’il soit ou non réglementaire, ne peut être utilement invoquée par voie d’exception à l’appui de conclusions dirigées contre une décision administrative ultérieure que si cette dernière décision a été prise pour l’application du premier acte ou s’il en constitue la base légale, que s’agissant d’un acte non réglementaire, l’exception n’est recevable que si l’acte n’est pas devenu définitif à la date à laquelle elle est invoquée, sauf dans le cas où l’acte et la décision ultérieure constituant les éléments d’une même opération complexe, l’illégalité dont l’acte serait entaché peut être invoquée en dépit du caractère définitif de cet acte. Et, le CE 5 / 4 SSR, 2012-06-15, 343530, société SA Vortex, B, a jugé que lorsqu’une décision du Conseil supérieur de l’audiovisuel de refus d’autorisation d’exploiter un service audiovisuel est fondée sur une comparaison entre l’intérêt du projet écarté et celui des projets retenus, et non sur un motif étranger à toute comparaison, tel que l’irrecevabilité de la candidature, le candidat concerné peut, à l’appui de son recours contre ce refus, invoquer utilement l’illégalité d’une autorisation délivrée dans la même zone dans le cadre du même appel à candidatures. Dans la même logique, il est proposé de considérer que le CRIIGEN peut utilement invoquer à l’encontre de l’autorisation de mise sur le marché du produit Roundup Pro 360 l’illégalité externe de l’autorisation de mise sur le marché du produit Typhon. Toutefois, la décision par laquelle l’administration autorise la mise sur le marché d’un produit phytopharmaceutique est dépourvue de caractère réglementaire, même si elle est assortie de prescriptions relatives aux conditions de son utilisation, dès lors qu’elle s’adresse à une société identifiée (voir CE 3 SS, 2011-10-05, 346508, union nationale de l’apiculture française, B). Or, la décision d’autorisation de mise sur le marché du produit Typhon en date du 9 février 2009 est définitive. Concernant l’absence d’opération complexe, la décision d’autorisation de mise sur le marché du produit phytopharmaceutique Roundup Pro 360 est certes une conséquence de la décision d’autorisation de la mise sur le marché du produit Typhon, dès lors qu’en raison de la composition identique des deux produits, la décision du 6 mars 2017 a pu être prise sans évaluation préalable des risques, qui a été effectuée lors de l’autorisation de mise sur le marché du produit Typhon. Mais, la décision d’autorisation de mise sur le marché du produit Typhon n’a pas été prise pour permettre l’intervention de la décision d’autorisation de mise sur le marché du produit phytopharmaceutique Roundup Pro 360, la première décision aurait pu exister et produire ses effets, sans l’intervention de la seconde. En outre, les deux décisions ne concernent pas les mêmes demandeurs, ni les mêmes produits. Et, le CRIIGEN ne peut utilement se prévaloir de l’avis de l’AFSSA du 30 décembre 2008 relatif au produit Typhon, en raison de son caractère préparatoire. Enfin, le CE 1 / 6 SSR, 2006-05-19, 274692– 281587, syndicat national des cadres supérieurs des chemins de fer et Mme N., B, a jugé que nonobstant les changements intervenus depuis 1954 et affectant notamment le contexte démographique, économique et social, ceux-ci n’ont pas eu un caractère de bouleversement tel qu’ils rendraient l’objet initial des dispositions contestées caduc au point de priver celles-ci de leur fondement juridique. Si le CRIIGEN soutient que l’évaluation des risques et dangers du produit de référence Typhon est devenue caduque, il ne précise pas les changements en droit, ni en fait des circonstances.

VI- 

En matière de retrait d’autorisation de mise sur le marché d’un produit phytopharmaceutique, si les conditions requises pour son obtention ne sont plus remplies, notamment en l’absence d’innocuité à l’égard de l’environnement, le contrôle du juge est le contrôle restreint de l’erreur manifeste d’appréciation (voir CE 3 / 5 SSR, 1999-12-29, 206687 – 207303, société Rustica Prograin Génétique S.A. et autres, B). Dans le cadre de ces décisions de retrait soumises au contrôle restreint, le CE 3 / 8 SSR, 2008-02-27, 270727 – 292203, société Top SA, A, s’est référé à l’innocuité du produit à l’égard de la santé publique, et à la circonstance qu’il suffit qu’il soit fait état d’un doute sérieux sur l’innocuité, et le CE 3 / 8 SSR, 2009-07-24, 316013, société Basf Agro, B, s’est référé à des indices sérieux permettant de douter raisonnablement de l’innocuité du produit, et sur des éléments tirés de procédures et études non achevés. Concernant le principe de précaution, ce principe garanti par le droit de l’Union européenne a, notamment eu égard à la jurisprudence du juge de l’Union, une portée garantissant l’effectivité du respect du principe de valeur constitutionnelle de précaution (CE 3 / 8 CHR, 2016-10-03, 388649, confédération paysanne et autres, A). Les dispositions de l’article 5 de la Charte de l’environnement, à laquelle le Préambule de la Constitution fait référence en vertu de la loi constitutionnelle du 1er mars 2005, sont relatives au principe de précaution, elles n’appellent pas de dispositions législatives et réglementaires précisant les modalités de mise en œuvre de ce principe, elles s’imposent donc aux pouvoirs publics et aux autorités administratives dans leurs domaines de compétence respectifs (CE 2 / 7 SSR, 2010-07-19, 328687, association du quartier « Les Hauts de Choiseul », A). Le contrôle du juge relativement à l’existence d’un risque et à la mise en œuvre de mesures d’évaluation est celui du contrôle normal (CE Assemblée, 2013-04-12, 342409 - 342569 – 342689 - 342740 – 342748 - 342821 - association coordination interrégionale stop THT et autres, A). Par cette dernière décision, le CE a également jugé qu’il faut rechercher s’il existe des éléments circonstanciés de nature à accréditer l’hypothèse d’un risque de dommage grave et irréversible pour l’environnement ou d’atteinte à l’environnement susceptible de nuire de manière grave à la santé, qui justifierait, en dépit des incertitudes subsistant quant à sa réalité et à sa portée en l’état des connaissances scientifiques, l’application du principe de précaution. Dans cette même logique, le CE 6 / 1 SSR, 2012-10-08, 342423, commune de Lunel, B, a jugé qu’il résulte de l’article 5 de la Charte de l’environnement que le principe de précaution s’applique aux activités qui affectent l’environnement dans des conditions susceptibles de nuire à la santé des populations concernées, qu’un requérant peut ainsi utilement faire valoir, à l’appui de conclusions d’annulation d’une décision d’urbanisme relative à l’implantation d’antennes relais de téléphonie mobile, que le principe de précaution protégé par l’article 5 de la Charte de l’environnement aurait été méconnu au motif que les champs radioélectriques émis par les antennes porteraient atteinte à la santé humaine. Certes, le CE 7 mars 2012, n° 329249, CRIIGEN, C, a jugé à propos du produit phytopharmaceutique Roundup, que les travaux scientifiques invoqués par l’association requérante ont fait l’objet, dans l’avis de l’AFSSA du 26 mars 2009, d’une analyse détaillée, dont le CRIIGEN se borne à soutenir, sans apporter aucune précision à l’appui de son argumentation, qu’elle serait entachée de plusieurs erreurs, que, dès lors, le moyen tiré de ce que la décision attaquée, fondée sur les avis de l’AFSSA des 16 avril 2007 et 26 mars 2009, serait entachée d’une erreur manifeste d’appréciation ne peut qu’être écarté. Mais, dans l’espèce dont vous êtes saisis, les données sont différentes, puisque le CRIIGEN apporte de nombreuses précisions et nombreux éléments de débat scientifique. L’évaluation d’un pesticide au niveau de l’Union européenne commence par un Etat membre rapporteur, qui en l’occurrence a été l’Allemagne, par le biais de son Institut fédéral d’évaluation des risques, le BfR, mais dont la composition ayant statué sur le glyphosate n’est pas connue, et dont il n’est ainsi pas possible de déterminer s’il pouvait exister des conflits d’intérêts en son sein. Le BfR s’est notamment fondé sur des études fournies par des industriels qui commercialisent des pesticides à base de glyphosate, dont le contenu est confidentiel, qui ne peut ainsi pas être évalué par les scientifiques du monde entier. Le BfR a reconnu après le rapport du CIRC (cf. ci-dessous) que les études sur les rongeurs révélaient effectivement un taux élevé de cancer. L’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a déclaré improbable le potentiel cancérogène du glyphosate. L’EFSA n’a toutefois pas contesté les résultats des expériences scientifiques effectuées sur des animaux, dont il est résulté des traces de cancer chez des rongeurs au niveau notamment des reins et du sang. L’EFSA a attribué à un moment donné le lien entre glyphosate et cancer au hasard, alors que le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), une agence de l’OMS chargée d’inventorier les substances cancérogènes, a souligné le caractère trop spécifique des cancers développés pour imputer les résultats au hasard. L’EFSA s’est fondée sur le glyphosate, alors qu’il ressort des nombreuses publications scientifiques produites par le CRIIGEN que les effets néfastes du glyphosate sont démultipliés par l’effet synergique du glyphosate avec les autres composants du Roundup. L’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) a considéré que les preuves scientifiques disponibles ne permettaient pas le classement du glyphosate comme substance cancérogène, mutagène et toxique pour la reproduction, mais elle précise que son avis ne peut être utilisé pour un renouvellement de l’autorisation du glyphosate. Le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), composé de scientifiques identifiés, et se fondant sur des études scientifiques, a classé en mars 2015 le glyphosate de cancérogène probable pour l’homme, et qu’il provoquait surtout des lymphomes non hodgkiniens et d’autres cancers hématopoïétiques. Le CIRC s’est fondé sur des études publiées dans des revues scientifiques, alors que l’EFSA s’est fondée principalement sur les études des industriels. Si le CIRC n’a pas pris en considération l’étude menée dans le cadre de l’Agricultural Health Study (AHS), c’est parce qu’elle n’était pas encore finalisée, qu’il restait des résultats à analyser, qu’elle n’avait pas encore été publiée ni soumise à une relecture par les pairs. Et, l’avis de l’ANSES du 9 février 2016 relatif à l’étude du CIRC conclut qu’au vu du niveau de preuve limité, la classification en catégorie 2 « Substances suspectées d’être cancérogènes pour l’homme » peut se discuter, sans qu’elle ne puisse se prononcer sur ce point en l’absence d’une analyse détaillée de l’ensemble des études. Et, l’EFSA explique sa différence de classification du glyphosate par rapport au CIRC par le fait que ce dernier s’est intéressé à la fois au glyphosate et aux préparations en contenant, et donc aussi aux autres composants ayant un effet synergique avec le glyphosate.
Une centaine de chercheurs du monde académique, conduits par le toxicologue Christopher Portier, ont publié dans la revue Journal of Epidemiology and Community Health un article détaillant les différences d’approche scientifique entre le BfR et le CIRC, et a pris parti pour l’analyse du CIRC. Ces chercheurs ont notamment souligné que les rongeurs devaient être issus de la même souche, sur la même période de temps, de la même animalerie, et l’EFSA n’a pas expliqué comment elle a rectifié le tir sur ce point. La génotoxicité est la toxicité sur l’ADN, qui peut conduire à la cancérogénèse. Il ressort de l’expertise collective de l’INSERM de 2013 relative aux « Pesticides : Effets sur la santé », que le glyphosate induit chez la souris des cassures chromosomiques et des micronoyaux dans la moelle osseuse, une certaine cytotoxicité, et que la génotoxicité n’est pas retrouvée dans tous les systèmes cellulaires, mais cela induit qu’elle se retrouve dans certains systèmes cellulaires, même si ce n’est pas tous ces systèmes. Il en ressort également que les principales interrogations concernent aujourd’hui les effets à long terme des expositions aux pesticides sur la santé, y compris à des faibles doses d’exposition, que les pathologies les plus étudiées sont les maladies et troubles neurologiques, les atteintes de la fonction de reproduction, les altérations du développement et les cancers, que de nombreux pesticides agissent sur leurs organismes cibles en interférant sur la transmission du signal nerveux, expliquant ainsi les pathologies neurologiques qu’ils pourraient entrainer à long terme, que des effets toxiques sur la spermatogénèse humaine ont été observés, sans ambiguïté, chez les professionnels appliquant différents produits actuellement interdits d’usage, que le développement de l’enfant, tant au cours de sa vie intra-utérine que postnatale, est connu pour être extrêmement sensible, d’une manière générale, aux xénobiotiques, parmi lesquels figurent les pesticides, que les effets cancérogènes de certains pesticides ont été mis en évidence expérimentalement chez l’animal, et surtout que la présomption d’un lien entre l’exposition aux pesticides et la survenue d’une pathologie est forte pour les lymphomes non-hodgkiniens, myélomes multiples, cancers de la prostate, et maladies de parkinson. D’autres productions scientifiques publiées et produites par le CRIIGEN font également état de présence fréquente de glyphosate dans les urines, d’un lien entre glyphosate et perturbation du système endocrinien, y compris en cas de doses faibles de glyphosate, d’altérations métaboliques et cellulaires, notamment par nécrose, et de la nécessité d’évaluer le glyphosate, non pas seul, mais en combinaison avec les autres composants du Roundup, qui ne sont pas inertes, et qui provoquent un effet synergique.

Il ressort du Monsanto Papers que dès 1999, la société Monsanto s’inquiétait du potentiel génotoxique du glyphosate, que la société Monsanto a alors fait appel à un scientifique très reconnu pour le cacher, qu’un cadre de la société Monsanto a alors écrit que « Prenons un peu de recul et regardons ce que nous voulons vraiment faire. Nous voulons trouver quelqu’un qui est familier du profil génotoxique du glyphosate/Roundup et qui peut avoir une influence sur les régulateurs, ou conduire des opérations de communication scientifique auprès du public, lorsque la question de la génotoxicité (du glyphosate) sera soulevée », mais que ledit scientifique a alors conclu que le glyphosate est un clastogène potentiel in vitro, et que donc il est susceptible de provoquer des ruptures dans une molécule d’ADN, et un des salariés de la société Monsanto a alors indiqué que ce scientifique « n’est pas la personne qu’il nous faut et cela prendrait pas mal de temps, de dollars et d’études pour l’amener à l’être (…). Nous n’allons simplement pas conduire les études qu’il suggère ». La société Monsanto ne conteste pas ces dires. A titre de simple observation, nous retrouvons le lymphome non-hodgkinien dans le cadre de la condamnation rendue par une juridiction de San Francisco le 10 août 2018 à l’encontre de la société Monsanto sur la base de plusieurs documents internes à la société Monsanto déclassifiés par la justice américaine.Enfin, dans ses écritures en défense, l’ANSES soutient que « Le requérant allègue en outre que le Roundup Pro 360 est perturbateur endocrinien au motif que la fiche de données de sécurité énonce les informations suivantes : « Toxicité pour la reproduction/ développement. Effets sur le développement chez les rats et les lapins seulement en présence de toxicité maternelle significative. Effets sur la reproduction chez les rats seulement en présence de toxicité maternelle significative. ». (…) Or, ces études portent sur la substance active glyphosate et non sur le produit Roundup Pro 360 (…) le requérant évoque l’évaluation relative à la substance active glyphosate qui, pourtant, ne concerne pas directement le produit phytopharmaceutique en contenant. (…) les informations portant sur le glyphosate ne peuvent suffire à établir le caractère dangereux pour l’environnement d’un produit. Comme cela a déjà été évoqué, la seule classification du glyphosate ne se transfère pas telle quelle au produit en contenant. », alors qu’il ressort des études scientifiques publiées produites par le CRIIGEN que les effets néfastes du Roundup ne sont pas dus avant tout à la substance active glyphosate, mais à l’ensemble du mélange, et alors que l’ANSES reste mystérieuse sur l’effet synergique des différents composants du Roundup Pro 360, et qu’en outre, elle n’indique pas en défense ce que recouvre sa formule « ingrédients mineurs de formulation ». Il y a lieu de rappeler sur ce point la décision du CE 3 / 8 SSR, 2012-03-07, 332804, mouvement pour les droits et le respect des générations futures et autre, B, selon laquelle il appartient aux autorités françaises, dans le cadre d’une demande d’autorisation de la mise sur le marché d’un produit phytopharmaceutique, de procéder à une évaluation complète des risques que ce produit peut présenter pour la santé humaine ou animale ou pour l’environnement, en tenant compte, le cas échéant, des effets synergiques entre la substance active et les autres substances entrant dans la composition du produit lorsque leur prise en compte est pertinente pour l’évaluation de ces risques. Il ressort de l’avis de l’ANSES du 30 décembre 2008 relatif au Typhon que le niveau acceptable d’exposition pour l’opérateur, les personnes présentes et les travailleurs a été fondé sur les seules doses journalières admissibles de glyphosate acide, mais non sur une analyse complète de la préparation Typhon, mais également que les résultats montrent que la préparation Typhon présente une toxicité plus importante que le glyphosate lui-même. Ainsi, vous annulerez la décision attaquée pour méconnaissance du principe constitutionnel de précaution.

VII- Sur les conditions d’utilisation, la classification et l’étiquetage 

Le CE 3 / 8 SSR, 2010-05-26, 314744 314775 - 314807 - 314808, société Syngenta agro S.A. et autres, B, a jugé à propos d’un avis adressé aux entreprises responsables de la mise sur le marché de produits phytopharmaceutiques, publié au Journal officiel de la République française le 2 février 2008, que par cet avis, les autorités françaises ont indiqué qu’il appartenait à ces entreprises de mettre à jour l’étiquetage de ces produits en fonction de l’évolution de la réglementation des substances et préparations dangereuses, que les directives 67/548/CEE du 27 juin 1967 et 1999/45/CE du 31 mai 1999 relatives à la classification des substances et préparations dangereuses et les dispositions législatives et réglementaires prises pour leur transposition définissent les règles et les méthodes à respecter par les professionnels concernés, qu’aucune de ces dispositions ne prévoit que la classification de chaque substance et préparation et la mise à jour de son étiquetage doivent être réalisées par l’autorité administrative, que la procédure de classification des substances et préparations dangereuses est sans influence directe sur la procédure d’autorisation de mise sur le marché d’un produit phytopharmaceutique, la modification de la classification impliquant seulement une modification de l’étiquetage. Toutefois, l’article 31 : Contenu des autorisations du règlement (CE) n° 1107/2009 du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques dispose que « 1. L’autorisation définit les végétaux ou les produits végétaux et les zones non agricoles (…) sur lesquelles le produit phytopharmaceutique peut être utilisé et les fins d’une telle utilisation. 2. L’autorisation énonce les exigences relatives à la mise sur le marché et l’utilisation du produit phytopharmaceutique. Ces exigences comprennent au minimum les conditions d’emploi nécessaires pour satisfaire aux conditions et prescriptions prévues par le règlement approuvant les substances actives, phytoprotecteurs et synergistes. L’autorisation inclut une classification du produit phytopharmaceutique aux fins de l’application de la directive 1999/45/CE. Les États membres peuvent prévoir que les titulaires d’une autorisation classent ou mettent à jour l’étiquette sans retard excessif à la suite de toute modification de la classification et de l’étiquetage du produit phytopharmaceutique conformément à la directive 1999/45/CE. En pareil cas, ils en informent immédiatement l’autorité compétente. 3. Les exigences visées au paragraphe 2 comprennent également, le cas échéant : a) la dose maximale par hectare pour chaque utilisation ; b) le délai à respecter entre la dernière utilisation et la récolte ; c) le nombre maximal d’utilisations par an. 4. Les exigences visées au paragraphe 2 peuvent concerner les points suivants : (…) e) l’étiquetage approuvé ; (…) ». Ainsi, il en résulte que les conditions d’utilisation et la classification sont consubstantielles à l’autorisation de mise sur le marché du produit phytopharmaceutique, et que les classifications ne le sont plus lorsque la classification a changé. Dans cette logique, le CE 3 SS, 2011-10-05, 346508, union nationale de l’apiculture française, B, a jugé qu’une autorisation de mise sur le marché d’un produit phytopharmaceutique est assortie de prescriptions relatives aux conditions de son utilisation. Ainsi, l’autorisation de mise sur le marché du produit phytopharmaceutique Roundup Pro 360 détermine les conditions d’emploi du produit, ainsi que la classification du produit en catégorie H412 : Nocif pour les organismes aquatiques, entraîne des effets néfastes à long terme, et indique que le titulaire de l’autorisation est responsable de la mise à jour de la fiche de données de sécurité et de la classification du produit en tenant compte de ses éventuelles évolutions. Il résulte également de l’article 31 précité : Contenu des autorisations du règlement (CE) n° 1107/2009 que l’autorisation de mise sur le marché peut inclure, ce n’est qu’une possibilité, un étiquetage, si celui-ci a été soumis par la société demanderesse d’autorisation de mise sur le marché et approuvé par l’administration en charge de la délivrance de ladite autorisation. En effet, l’article 65 : Étiquetage du règlement (CE) n° 1107/2009 dispose que « 1. L’étiquetage des produits phytopharmaceutiques inclut les exigences en matière de classification, d’étiquetage et d’emballage de la directive 1999/45/CE et doit être conforme aux exigences énoncées dans un règlement adopté selon la procédure de réglementation avec contrôle visée à l’article 79, paragraphe 4. (…) 2. Les États membres peuvent demander la présentation d’échantillons ou de maquettes de l’emballage, ainsi que de projets d’étiquettes et de dépliants avant que l’autorisation soit accordée. (…) ». Et, le rapporteur public, M. Vincent Daumas, dans ses conclusions communes se rapportant aux décisions du CE du 7 mars 2012 n° 329249 comité de Recherche et d’Information Indépendantes sur le Génie Génétique, et n° 332804 – 332805 - 332806, mouvement pour les Droits et le Respect des Générations Futures et autre relatives au Roundup, a retenu que « (…) Reste un moyen propre à la requête n° 332804 qui concerne le Roundup GT Plus. Il est tiré de ce que le ministre, en refusant d’abroger l’AMM de ce produit pour les usages en jardin d’amateur, aurait méconnu les dispositions de l’article 2 de l’arrêté du 6 octobre 2004 relatif aux conditions d’utilisation de la mention « emploi autorisé dans les jardins » pour les produits phytopharmaceutiques. Ces dispositions ne permettent l’octroi de la mention « emploi autorisé pour les jardins » qu’aux seuls produits à faible dangerosité pour les populations particulièrement vulnérables. Nous avons quelques doutes sur l’opérance de ce moyen : (…) parce qu’il ne nous paraît pas évident, au vu des termes de cet arrêté du 6 octobre 2004, que ses prescriptions s’imposent à la délivrance d’une AMM – son objet semble plutôt de régir les conditions d’étiquetage des produits phytopharmaceutiques (…) ». Ainsi, l’autorisation de mise sur le marché du produit phytopharmaceutique Roundup Pro 360 se limite à faire de recommandations relatives à l’étiquette du produit, en indiquant qu’il est recommandé de faire figurer l’information suivante sur l’étiquette : « Ne pas appliquer ce produit ou tout autre produit contenant du glyphosate au-delà des doses maximum définies dans l’avis à tous les détenteurs d’autorisations de mise sur le marché pour des spécialités commerciales à base de glyphosate ». Par suite, le moyen du CRIIGEN dirigé contre l’étiquetage sera écarté comme inopérant. Concernant en revanche la classification du produit phytopharmaceutique Roundup Pro 360, il résulte de ce qui précède que l’ANSES l’a classé uniquement en catégorie H412 : Nocif pour les organismes aquatiques. Or, il est possible de prononcer une annulation partielle d’un acte administratif en tant qu’il ne prévoit pas certaines dispositions, ou en tant qu’il ne prévoit pas de dispositions suffisantes (Voir CE 12/06/1998, 188738, fédération des aveugles et handicapés visuels de France, B, et CE 23/12/2016, 394819, association La CIMADE et autres, B). L’annexe VI du règlement n° 1272/2008 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relatif à la classification, à l’étiquetage et à l’emballage des substances et des mélanges classe le glyphosate dans la catégorie H411 : Toxique pour les organismes aquatiques. Entraine des effets néfastes à long terme. Le glyphosate représente 41,5 % de la préparation Roundup Pro 360 et en constitue la substance active. La société Monsanto soutient elle-même que le mélange au sein du Roundup Pro 360 a pour effet d’en accroître « l’efficacité ». Et, il ressort de la fiche de sécurité du produit phytopharmaceutique Roundup Pro 360 que le sel d’isopropylamine de glyphosate a une toxicité chronique aquatique – catégorie 2, et que le composé d’ammonium quaternaire a une toxicité chronique aquatique – catégorie 3. Ainsi, le Roundup Pro 360 aurait dû être classé en catégorie H411, et non H412, en l’absence de toute preuve contraire de l’ANSES. Il résulte également des développements précédents sur le principe constitutionnel de précaution que le Roundup Pro 360 devait être classé dans la catégorie 1 B, recouvrant « les substances dont le potentiel cancérogène pour l’être humain est supposé, la classification dans cette catégorie s’appuyant largement sur des données animales », et dans la catégorie 2, recouvrant « Substances suspectées d’être cancérogènes pour l’homme ». Il en résulte également que le Roundup Pro 360 doit être classé à tout le moins en catégorie 2, recouvrant « les substances suspectées d’être toxiques pour la reproduction humaine ». En outre, il ressort de la fiche de sécurité du produit phytopharmaceutique Roundup Pro 360 que le composé d’ammonium quaternaire, qui représente 9,5 % de la préparation, provoque une irritation cutanée – catégorie 2, des lésions oculaires – catégorie 1, qu’il est classé H315 : Provoque une irritation cutanée, et H318 : Provoque de graves lésions des yeux, et la société Monsanto soutient elle-même que le mélange au sein du Roundup Pro 360 a pour effet d’en accroître « l’efficacité », et ainsi le Roundup Pro 360 aurait dû être classé également en catégories H315 et H318, en l’absence de toute preuve contraire de l’ANSES. Enfin, le Roundup Pro 360 doit être classé également en catégorie H302 : Nocif en cas d’ingestion, eu égard aux nombreux cas d’empoisonnement par des produits à base de glyphosate répertoriés par l’étude du CIRC.

VIII- Sur la phase d’évaluation des résistances 

L’article 56 : Informations sur les effets potentiellement nocifs ou inacceptables du règlement (CE) n° 1107/2009 du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques dispose que « 1. Le titulaire d’une autorisation pour un produit phytopharmaceutique communique immédiatement aux États membres ayant accordé l’autorisation toute nouvelle information concernant ledit produit phytopharmaceutique, la substance active, ses métabolites, un phytoprotecteur, un synergiste ou un coformulant contenu dans ce produit et indiquant que le produit phytopharmaceutique ne satisfait plus aux critères énoncés respectivement aux articles 29 et 4. (…) 4. Le titulaire d’une autorisation pour un produit phytopharmaceutique communique chaque année aux autorités compétentes des États membres qui ont autorisé ledit produit toute information dont il dispose sur un manque d’efficacité eu égard aux résultats escomptés, l’apparition d’une résistance et tout effet inattendu sur les végétaux, les produits végétaux ou l’environnement. ». Et, l’autorisation de mise sur le marché du produit phytopharmaceutique Roundup Pro 360 se limite à indiquer que l’utilisation de la préparation Roundup Pro 360 doit être accompagnée de mesures visant à réduire le risque de résistance, que les recommandations visant à réduire ce risque devront figurer sur l’étiquette, qu’à défaut de transmission de ces données dans les délais impartis à compter de la date de la présente décision, notamment la mise en place d’un programme de suivi des résistances et la fourniture aux autorités compétentes de toute nouvelle information susceptible de modifier l’analyse du risque d’apparition ou de développement de résistances, la présente décision pourra être retirée ou modifiée. Il en résulte que le CRIIGEN ne peut utilement se prévaloir de la phase d’évaluation des résistances, dès lors que cette phase est postérieure à la décision attaquée, et qu’elle n’en conditionne pas la légalité, mais seulement une possibilité de retrait ou de modification de l’autorisation de mise sur le marché.

IX- Sur les questions préjudicielles en appréciation de validité devant la CJUE 

Le Conseil d’Etat CE 06/12/2012, 347870, société Air Algérie, A, a jugé en cas de saisine du juge administratif d’une question préjudicielle en appréciation de validité devant la CJUE, qu’il lui revient alors en l’absence de doute sérieux sur la validité de la directive communautaire en l’espèce, d’écarter le moyen invoqué, ou en cas de doute sérieux, de saisir la CJUE d’une question préjudicielle afin qu’elle se prononce sur la validité de cette directive. La CJUE est actuellement saisie de questions préjudicielles de la part du tribunal correctionnel de Foix, depuis le 26 octobre 2017, dans le cadre de l’affaire C-616/17 - Procureur de la République., selon lesquelles le règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/CEE et 91/414/CEE du Conseil est-il conforme au principe de précaution lorsqu’il omet de définir précisément ce qu’est une substance active, laissant le soin au pétitionnaire de choisir ce qu’il dénomme substance active dans son produit, et lui laissant la possibilité d’orienter l’intégralité de son dossier de demande sur une substance unique alors que son produit fini commercialisé en comprend plusieurs, le principe de précaution et l’impartialité de l’autorisation de commercialisation sont-ils assurés lorsque les tests, analyses et évaluations nécessaires à l’instruction du dossier sont réalisés par les seuls pétitionnaires pouvant être partiaux dans leur présentation, sans aucune contre-analyse indépendante et sans que soient publiés les rapports de demandes d’autorisation sous couvert de protection du secret industriel, le règlement européen est-il conforme au principe de précaution lorsqu’il ne tient aucun compte des pluralités de substances actives et de leur emploi cumulé, en particulier lorsqu’il ne prévoit aucune analyse spécifique complète au niveau européen des cumuls de substances actives au sein d’un même produit, et le règlement européen est-il conforme au principe de précaution lorsqu’il dispense en ses chapitres 3 et 4 d’analyses de toxicité (génotoxicité, examen de carcinogénécité, examen des perturbations endocriniennes…), les produits pesticides dans leurs formulations commerciales telles que mises sur le marché et telles que les consommateurs et l’environnement y sont exposés, n’imposant que des tests sommaires toujours réalisés par le pétitionnaire ? La CJUE a tenu son audience le 20 novembre 2018, mais elle n’a pas encore rendu son arrêt sur ces questions préjudicielles.
Le CRIIGEN vous saisit de questions préjudicielles en appréciation de validité en partie différentes de celles posées par le tribunal correctionnel de Foix. Le CRIIGEN soutient que les règlements d’exécution (UE) n° 2016/1056 du 29 juin 2016 et n° 2016/1313 du 1er aout 2016, modifiant tous les deux le règlement d’exécution (UE) n° 540/2011 en ce qui concerne les conditions d’approbation de la substance active glyphosate sont entachés d’illégalité. La réponse de la CJUE à la question soulevée doit être nécessaire à la solution du litige (CE 22 juillet 1994, n° 143048, Syndicat national des pilotes de lignes, Rec. CE p. 361). Or, les moyens articulés par le CRIIGEN dans le cadre de ses conclusions en renvoi préjudiciel pour appréciation de validité devant la CJUE ne concernent que le caractère infondé de l’approbation de la substance active glyphosate « pure », et sont ainsi inopérants à l’encontre du règlement d’exécution n° 2016/1313 du 1er août 2016, qui se limite à interdire les préparations à base de glyphosate contenant du suif amidonné, qui n’est pas un composant du Roundup Pro 360, et qui prescrit aux Etats membres d’accorder une attention particulière aux risques découlant de l’utilisation dans les zones spécifiques et à la conformité des utilisations avant récolte avec les bonnes pratiques agricoles, une fois l’autorisation de mise sur le marché accordée.
Le glyphosate a été inscrit pour la première fois sur la liste des substances actives autorisées prévue par l’annexe I de la directive 91/414/CEE du Conseil du 15 juillet 1991 par la directive 2001/99/CE de la Commission du 20 novembre 2001. Le § 1 de l’article 5 de la directive 91/414/CEE disposait qu’une « substance active est inscrite à l’annexe I pour une période initiale ne pouvant excéder dix ans ». Ainsi, la durée de validité de l’inscription du glyphosate commerçait à courir le 1er juillet 2002 pour expirer le 30 juin 2012. Mais, le § 5 de l’article 5 de la directive 91/414/CEE disposait qu’en « cas de demande, à introduire suffisamment à l’avance (…), le renouvellement est accordé pour la durée nécessaire pour procéder à un réexamen (…) ». Ainsi, l’autorisation du glyphosate pouvait faire l’objet d’une prolongation au-delà du délai de dix ans, afin de couvrir la demande de renouvellement d’autorisation, et ce jusqu’au 31 décembre 2015 par la directive n° 2010/77/UE de la Commission du 10 novembre 2010. La demande de renouvellement de l’inscription du glyphosate a été formée le 24 mars 2011, puis modifiée le 9 mai 2011. Si la directive 91/414/CE a été abrogée au 14 juin 2011 et remplacée par le règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009, le § 3 de l’article 78 de ce règlement dispose que les substances actives inscrites à l’annexe I de la directive 91/414 sont réputées approuvées, et sont désormais énumérées dans la partie A de l’annexe du règlement d’exécution n° 540/2011 de la Commission du 25 mai 2011, portant application du règlement n° 1107/2009, disposant que le glyphosate est approuvé jusqu’au 31 décembre 2015 (voir TUE, 17 mai 2018, T-584/13). Si l’article 80 : Mesures transitoires du règlement 1107/2009 du 21 octobre 2009 prévoit que « 4. Pour les substances actives dont la première approbation expire au plus tard le 14 décembre 2012, la demande prévue à l’article 14 est introduite par un producteur de la substance active auprès d’un État membre et une copie de la demande est transmise aux autres États membres, à la Commission et à l’Autorité au plus tard deux ans avant l’expiration de la première approbation. (…) », le CRIIGEN ne se prévaut toutefois que d’une absence de demande de renouvellement en 2012, mais non en 2010. Puis, le règlement d’exécution n° 2015/1885 du 20 octobre 2015 a prolongé l’autorisation du glyphosate du 31 décembre 2015 au 30 juin 2016, et le règlement d’exécution n° 2016/1056 de la Commission du 29 juin 2016 a prolongé à nouveau la période d’approbation de la substance active glyphosate jusqu’à « 6 mois à compter de la date de réception par la Commission de l’avis du comité d’évaluation des risques de l’Agence européenne des produits chimiques, ou le 31 décembre 2017 si cette date est antérieure ». Ces deux règlements d’exécution ont été pris sur le fondement de l’article 17 du règlement n° 1107/2009 du 21 octobre 2009, selon lequel « Si, pour des raisons indépendantes de la volonté du demandeur, il apparaît que l’approbation expirera avant l’adoption d’une décision de renouvellement, une décision reportant l’expiration de la période d’approbation pour ce demandeur pendant une période suffisante pour permettre l’examen de la demande est adoptée (…) / La durée de la prolongation est fixée sur la base des éléments suivants : / a) le temps nécessaire à la communication des informations demandées ; / b) le temps nécessaire à l’accomplissement de la procédure ; / c) le cas échéant, la nécessité d’établir un programme de travail cohérent, conformément à l’article 18. ». Or, le retard pris dans l’examen de la demande de renouvellement du glyphosate comme substance active est lié aux débats scientifiques et aux divergences de vue de différents organismes, et ainsi il était possible de prolonger l’autorisation du glyphosate, et ce en sus à trois reprises, le temps de voir aboutir les travaux de l’EFSA et de l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA), tout en garantissant en même temps le maintien des autorisations de mise sur le marché de produits phytopharmaceutiques composés notamment de la substance active glyphosate. En outre, la CJCE, 4 mai 1988, aff. 268/86, Clasen c/ PE, pt 20 : Rec. CJCE 1988, p. 2453 a jugé qu’est considérée comme une violation des formes substantielles une irrégularité, affectant la forme de la décision ou de la procédure suivie, qui porte atteinte aux droits des tiers ou des personnes visées par la décision ou qui est susceptible d’avoir une influence sur le contenu de la décision. Ainsi, le CRIIGEN peut utilement se prévaloir de l’absence de transparence de l’EFSA dans son évaluation du 12 novembre 2015, dès lors notamment que l’Union européenne s’est soumise d’elle-même à une procédure d’avis de l’EFSA avant d’édicter le règlement d’exécution (UE) n° 2016/1056 du 29 juin 2016, et que le CRIIGEN ne conteste pas en lui-même l’avis, mais la procédure préalable à l’édiction du règlement communautaire. En revanche, le CRIIGEN ne peut utilement se prévaloir des travaux d’évaluation par l’Etat rapporteur qu’est l’Allemagne. Toutefois, aucune règle n’impose de faire apparaître dans l’avis de l’EFSA l’identité des experts scientifiques s’étant prononcés. Si le CRIIGEN soutient que l’Organisation pour la Coopération et le Développement Economique (OCDE) privilégie le test de Fischer par rapport au test de Cochran-Armitage, il ressort des pièces du dossier que l’OCDE considère que le test de Cochran-Armitage peut être plus efficace que le test de Fischer dans certaines circonstances. Le CRIIGEN n’est pas fondé à soutenir que l’EFSA a procédé uniquement à l’évaluation des conséquences du glyphosate, mais non des co-formulants et adjuvants, dès lors qu’il ne revient à l’Union européenne que d’autoriser des substances actives, et qu’il incombe en revanche aux Etats membres, à travers la procédure d’autorisation de mise sur le marché, d’évaluer les effets synergiques de la substance active et des autres composants d’un produit phytopharmaceutique donné. Un des moyens du CRIIGEN soulevé dans le cadre de ses conclusions à fin de questions préjudicielles en appréciation de validité devant la CJUE est déjà recouvert par la question préjudicielle de la part du tribunal correctionnel de Foix, dans le cadre de l’affaire C-616/17 - Procureur de la République., selon laquelle le droit communautaire est-il conforme au principe de précaution lorsqu’il ne tient aucun compte des pluralités de substances actives et de leur emploi cumulé, en particulier lorsqu’il ne prévoit aucune analyse spécifique complète au niveau européen des cumuls de substances actives au sein d’un même produit. Concernant le principe de précaution garanti au niveau du droit communautaire, l’appréciation pourrait être différente, puisqu’elle repose dans le cadre de la question préjudicielle en appréciation de validité devant la CJUE sur la seule substance active glyphosate, et non sur les effets synergiques de cette substance active avec les autres composants de pesticides, et alors que le CRIIGEN produit des études scientifiques se rapportant très majoritairement aux pesticides analysés dans tous leurs composants.

X- 

Vous ne pourrez pas faire application de la décision du CE Assemblée, 2004-05-11, 255886 255887 - 255888 255889 - 255890 255891 - 255892, association AC ! et autres, A, selon laquelle l’annulation d’un acte administratif implique en principe que cet acte est réputé n’être jamais intervenu, que toutefois, il peut apparaître que cet effet rétroactif de l’annulation est de nature à emporter des conséquences manifestement excessives en raison tant des effets que cet acte a produits et des situations qui ont pu se constituer lorsqu’il était en vigueur que de l’intérêt général pouvant s’attacher à un maintien temporaire de ses effets, eu égard notamment à l’application d’un principe constitutionnel de précaution, et des implications pour la santé publique.

XI- 

Par ces motifs, nous concluons à l’annulation de la décision du 6 mars 2017 de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail autorisant la mise sur le marché du produit phytopharmaceutique Roundup Pro 360 par la société Monsanto, pour méconnaissance du principe constitutionnel de précaution, sans qu’il soit besoin de renvoyer à la CJUE des questions préjudicielles en appréciation de validité.

Notes

1 CE Section, 2010- 12-30, 338273, société Métropole Télévision (M6), A Retour au texte

Droits d'auteur

Ces conclusions ne sont pas libres de droits. Leur citation et leur exploitation commerciale éventuelles doivent respecter les règles fixées par le code de la propriété intellectuelle. Par ailleurs, toute rediffusion, commerciale ou non, est subordonnée à l’accord du rapporteur public qui en est l’auteur.