Permis de construire : travaux effectués sur une construction non conforme au plan d’urbanisme

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Décision de justice

CAA Lyon, 1ère chambre – N° 15LY01374 – 30 mai 2017 – C+

Juridiction : CAA Lyon

Numéro de la décision : 15LY01374

Numéro Légifrance : CETATEXT000034843634

Date de la décision : 30 mai 2017

Code de publication : C+

Index

Mots-clés

Permis de construire, PLU, Travaux non conformes

Rubriques

Urbanisme et environnement

Résumé

Des travaux sont effectués sur une construction non conforme aux dispositions d’un PLU – Se pose la question de la légalité du permis si les travaux rendent l'immeuble plus conforme aux dispositions réglementaires ou bien sont étrangers à ces dispositions (1) – La formation de jugement constate l’illégalité, en l’espèce, de l’aménagement d’une terrasse accessible sur une partie de toiture implantée en méconnaissance de la règle de distance par rapport aux limites séparatives (a), de la suppression d’une toiture sur une partie de la hauteur est diminuée (b) et de la création de fenêtres de toit dans une partie de la construction méconnaissant la même règle (c). Elle constate l’absence d’illégalité, en l’espèce, de l’affectation au stationnement de véhicules d’un bâtiment affecté jusqu’alors à une activité agricole présentant une hauteur au faîtage supérieure à celle autorisée par le règlement du PLU (d).

a) L’aménagement d’une terrasse accessible sur une toiture dont l’implantation méconnaît la règle du PLU imposant aux constructions une distance minimale par rapport aux limites séparatives n’est pas étrangère à cette règle, qui a notamment pour objet de préserver l’intimité du voisinage, et ne rend pas la construction existante plus conforme sur ce point.

b) Il en va de même s’agissant de la création d’une terrasse accessible par remplacement d’une toiture existante sur une partie de construction méconnaissant la même règle de prospect, alors même que la hauteur de la construction s’en trouve diminuée.

c) Il en va également de même s’agissant de la création de fenêtres de toit dans la toiture d’une partie de construction implantée en méconnaissance de la même règle de prospect.

d) L’affectation au stationnement de véhicules d’un bâtiment affecté jusqu’alors à une activité agricole présentant une hauteur au faîtage supérieure à celle autorisée par les dispositions du règlement du PLU est étrangère à ces dispositions.

1. Cf., CE Section, 1988-05-27, N° 79530 A p. 223

Conclusions du rapporteur public

Jean-Paul Vallecchia

Rapporteur public à la cour administrative d'appel de Lyon

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  • IDREF

DOI : 10.35562/alyoda.6360

Sens des conclusions

Réformation du jugement attaqué et censure partielle du permis de construire contesté en tant aussi qu’il porte sur la réalisation d’une toiture-terrasse accessible avec garde-corps sur un ancien appentis accolé à l’Ouest de la maison (aggravation de la méconnaissance de la règle de prospect) .Rejet des appels incidents de la commune de Voiron et de la Société Immo-La.Rejet dans les circonstances de l’espèce des conclusions présentées par les requérants sur le fondement de l’article L.761-1 du Code de Justice Administrative.

M.et Mme B ont donc obtenu, par jugement n° 1206136 du 26 février 2015 de la 2ème chambre du Tribunal administratif de Grenoble, l’annulation partielle du permis de construire du 26 septembre 2012 délivré par le maire de Voiron à la société Immo-La pour la restructuration d’une habitation existante en vue de la création de cinq logements, sur une parcelle de terrain cadastrée AC 166 située au n° 20 Rue de la Pensière, annulation partielle en tant que le permis délivré autorise l’aménagement d’une toiture-terrasse accessible avec garde-corps au niveau R+1 à l’Est de la construction existante.

Après avoir admis l’intérêt à agir de M.et Mme B, qui ont justifié, par leur avis de taxe foncière, être propriétaires d’une maison d’habitation voisine du projet située au n° 013 de la Rue de la Pensière, et avoir écarté, faute de justifications, l’intérêt à agir des 18 autres requérants qui leur étaient associés (11 s’étant finalement désistés), les premiers juges, faisant application de la jurisprudence (Conseil d’Etat Section n° 79530 du 27 mai 1988), ont considéré que la création, par le projet autorisé, d’un toiture-terrasse avec garde-corps à l’Est du bâtiment existant, sur une dalle de béton en R+1 servant initialement de simple toiture et implantée en limite séparative de propriété, que cette création n’était pas étrangère aux dispositions de l’article UH 7 du règlement du Plan Local d’Urbanisme (PLU) concernant la règle de prospect (qui prévoit une distance de recul des constructions d’au moins 4 mètres par rapport à la limite parcellaire), et que les travaux autorisés pour la création de cette terrasse avaient pour effet non pas de rendre le bâtiment plus conforme au règlement d’urbanisme mais au contraire d’aggraver l’illégalité existante.

M. et Mme B. interjettent donc appel de ce jugement pour tenter d’obtenir l’annulation totale du permis de construire qu’ils contestent.

La SARL Immo-La et la commune de Voiron présentent des appels incidents tendant à la réformation du jugement attaqué en ce qu’il a prononcé une censure partielle du permis de construire du 26 septembre 2012 délivré par le maire de Voiron.

La SARL Immo-La poursuit devant la Cour sa contestation de l’intérêt à agir de M. et Mme B s’agissant de la réhabilitation d’un bâtiment existant séparé de la propriété des requérants par une voie publique. Toutefois, comme l’indique d’ailleurs la société Immo-La elle-même, ce projet aura pour effet de créer quatre logements supplémentaires, en plus de celui qui existait déjà, ce qui, augmentant le nombre d’habitants sur cette propriété, aura pour effet de modifier l’utilisation des lieux, notamment de la voie publique, sans compter la création (comme nous allons le voir) de terrasses et de balcons, ce qui aura forcément une incidence sur le voisinage immédiat. L’intérêt à agir de M. et Mme B ne nous paraît donc pas poser de difficultés particulières.

M. et Mme B reprennent devant la Cour les moyens tirés de la méconnaissance des articles UH3 du règlement du PLU sur les accès et leur sécurité, UH7 du même Règlement sur l’implantation des constructions par rapport aux limites séparatives, UH8 concernant l’implantation des constructions les unes par rapport aux autres sur une même propriété, UH10 concernant la hauteur des constructions, et UH11 concernant l’aspect extérieur de ces constructions.

Pour ce qui est de l’application de l’article UH 3 du règlement du PLU et de l’article R.111-2 du Code de l’Urbanisme qui est aussi invoqué, les requérants soutiennent que les dispositions de l’article UH3 qui indiquent que l’emprise des voies communales est en principe fixée à 8 mètres, soit 4 mètres de part et d’autre de l’axe de la chaussée, que ces dispositions devraient s’appliquer, pour les permis de construire nouvellement délivrés, aux voies existantes, alors qu’au cas d’espèce, au droit de l’accès au projet, la voie publique, mesurée par acte d’huissier, ne présente qu’une largeur de 4 mètres, ce qui serait de nature à aggraver la sécurité de cet accès du fait de l’augmentation projetée du nombre d’habitants, les requérants voulant faire ici une application extensive et audacieuse de la jurisprudence Sekler, jusqu’aux accès eux-mêmes, le projet devant, selon eux, être considéré dans sa globalité.

Vous ne pourrez évidemment pas suivre les requérants dans ce raisonnement, le permis de construire ayant certes validé l’existence et les caractéristiques de l’accès, mais la dimension des voies publiques existantes ne concernant pas le permis accordé et les dimensions de principe des voies communales mentionnées dans le règlement du PLU ne pouvant concerner que les voies nouvelles, sauf à ce que la commune de Voiron ne mette en conformité l’ensemble de sa voirie avant de délivrer des permis de construire. Voyez sur ce point les décisions du n° 41118 du 21 juillet 1989 (pour les voies construites antérieurement à l’approbation du document d’urbanisme) et n° 41118 du 21 juillet 1989  (pour des terrains inconstructibles en raison des caractéristiques des voies de desserte) .

Ici nous avons un accès existant, de 8, 79 m de largeur, sur une partie rectiligne de la Rue de la Pensière, qui ne pose pas de problème de sécurité, et ensuite une voie communale existante, la Rue de la Pensière, dont la largeur est effectivement inférieure à 8 mètres, mais qui permettait et qui permet le croisement des véhicules, notamment d’incendie et de secours, l’opération autorisée étant, comme nous l’avons dit, de cinq logements, ce qui reste très raisonnable en termes d’augmentation du trafic automobile sur cette voie.

Pour ce qui est ensuite de l’application de l’article UH7 du Règlement du PLU de la commune de Voiron au projet autorisé, les requérants rappellent à juste titre que le bâtiment existant, antérieur au PLU de la Commune de Voiron, ne respecte pas, sous certains aspects, la règle de prospect.

Depuis la jurisprudence précitée, nous savons que pour ces constructions devenues non conformes au règlement d’urbanisme nouvellement approuvé il n’est pas interdit de délivrer des permis de construire à condition que les travaux autorisés rendent l’immeuble plus conforme aux nouvelles dispositions règlementaires méconnues ou bien sont étrangers à ces nouvelles dispositions.

Les premiers juges ont relevé sur ce fondement l’illégalité de la terrasse créee en R+1 sur la partie Est de la maison M. et Mme B demandent la confirmation de cette illégalité car pour eux, l’usage de cette terrasse en accessoire des logements créés vient aggraver la méconnaissance de la règle de prospect. Ils y ajoutent aussi une autre terrasse, créée à l’Ouest de la maison, à la place d’une autre toiture, ainsi que les fenêtres de toitures créées du côté de la façade Nord de la maison.

La SARL Immo-La estime quant à elle que l’implantation même du bâtiment n’étant pas modifiée il ne peut y avoir aggravation de la règle méconnue.

La commune de Voiron soutient, elle, que la terrasse créée à l’Est se trouverait en réalité sur une construction pouvant être qualifiée d’annexe et pouvant être implantée en limite séparative.

La terrasse aménagée à l’Est sur une dalle de béton existante servant à l’origine de toiture sera accessible par le niveau R+1 du bâtiment, qui a donc un lien fonctionnel avec la terrasse créée, laquelle terrasse permettra aux usagers de s’avancer, grâce aux garde-corps installés, jusqu’à la limite séparative, ce qui était impossible auparavant, et ce qui aggravera donc la méconnaissance de la règle de prospect, cette règle ayant notamment pour objet de préserver la tranquillité et l’intimité des propriétés voisines, et aussi d’assurer, le cas échéant, un éclairage naturel satisfaisant des bâtiments situés sur des propriétés voisines.

Pour cette même raison il nous semble aussi que l’autre terrasse créée à l’Ouest, sur un ancien appentis, qui est effectivement implanté à moins de 4 mètres de la limite séparative, terrasse également accessible par le niveau R+1 et qui comportera aussi des garde-corps permettant aux usagers de s’avancer jusqu’à la limite séparative, que cette autre terrasse aggrave de la même manière l’illégalité existante, par l’usage qu’elle permet de son espace jusqu’à la limite de propriété, un usage qui n’existait pas jusque-là, et quand bien même la hauteur de cet appentis est réduite.

Tel n’est pas le cas en revanche de la terrasse située en R+2 à l’Est, qui respecte la distance minimale de recul de l’article UH7, et tel n’est pas le cas non plus, nous semble-t-il, des fenêtres de toitures du côté de la façade Nord du bâtiment, ces fenêtres s’inscrivant dans la pente même de la toiture et ayant principalement pour objet de faire entrer la lumière naturelle dans les espaces aménagés sous la charpente.

Pour des exemples d’aggravation d’irrégularités existantes voyez par exemples les décisions du Conseil d’Etat Section du 25 mai 1992 au Recueil p.213 et n° 0142895 du 14 février 1996.

Il vous faudra donc, nous semble-t-il, étendre la censure partielle du permis de construire contesté à la terrasse aménagée à l’Ouest sur un ancien appentis, cette autre illégalité, identifiable, tout comme celle qui avait déjà été retenue par les premiers juges, entrant dans le champ de l’article L600-5 du Code de l’Urbanisme.

Pour ce qui est enfin de l’application au projet autorisé des dispositions des articles UH8, UH10 et UH11 du Règlement du PLU : la distance de 4 mètres entre deux bâtiments non contigus n’est qu’une faculté dont rien ne dit qu’elle aurait été imposée pour le bâtiment principal et son annexe ; la règle de hauteur qui est invoquée à l’encontre du bâtiment annexe ne trouve pas à s’appliquer ici puisque le changement de destination de ce bâtiment initialement affecté à l’exploitation agricole pour accueillir des places de stationnement est étranger à la méconnaissance de cette règle (application là encore de la jurisprudence précitée) ; enfin le projet autorisé n’apparaît pas porter atteinte au caractère ou à l’intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu’à la conservation des perspectives monumentales, s’agissant d’un bâtiment existant restructuré, et les préconisations de l’article UH11 du règlement du PLU concernant l’utilisation des énergies renouvelables doivent évidemment être interprétées à l’aune de ce projet de restructuration d’un bâtiment existant.

Par ces motifs nous concluons, à la réformation du jugement attaqué, à la censure partielle du permis de construire contesté en tant aussi qu’il porte sur la réalisation d’une toiture-terrasse accessible avec garde-corps sur un ancien appentis accolé à l’Ouest de la maison, au rejet des appels incidents de la commune de Voiron et de la Société Immo-La, et au rejet, dans les circonstances de l’espèce, des conclusions présentées par les requérants sur le fondement de l’article L.761-1 du Code de justice administrative.

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