La commission nationale d’aménagement commercial doit pouvoir porter une appréciation globale de l’impact du projet

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Décision de justice

CAA Lyon, 1ère chambre – N° 15LY01049 – SAS Tomiya, Société Constructions Industrielles Savoyardes (CIS) – 31 mai 2016 – C+

Requête jointe : N° 15LY01056

Juridiction : CAA Lyon

Numéro de la décision : 15LY01049

Numéro Légifrance : CETATEXT000032698548

Date de la décision : 31 mai 2016

Code de publication : C+

Index

Mots-clés

Aménagement commercial, Commission nationale d’aménagement commercial, Autorisation d’extension d’un magasin, Impact du projet

Rubriques

Urbanisme et environnement

Résumé

Commerce, industrie, intervention économique de la puissance publique – Aménagement commercial – Commission nationale d’aménagement commercial – Autorisation d’extension d’un magasin - Appréciation globale - Impact global du projet

L’extension d’un magasin et l’exploitation d’une surface de vente voisine pendant la durée des travaux forment un projet unique qui doit donc faire l’objet d’une seule demande d’autorisation à la commission nationale d’aménagement commercial.

Par une décision du 13 janvier 2011 devenue définitive, la commission nationale d’aménagement commercial a autorisé la société Ville-la-Dis, exploitante d’un hypermarché E. Leclerc situé sur le territoire de la commune de Ville-la-Grand, à agrandir son magasin. Par la décision du 12 novembre 2014 qui est contestée, la commission a autorisé la société à exploiter à titre provisoire, durant la période de reconstruction de l’actuel magasin, une surface de vente au sein d’un bâtiment voisin dont la société est propriétaire et qui accueille le « drive » de l’enseigne. En l’absence d’un régime de l’autorisation provisoire, la Cour juge que l’extension de l’actuel magasin et la création d’une surface de vente provisoire forment en réalité un projet unique au sens des dispositions de l’article L752-6 du code de commerce. Ainsi, ce projet devait faire l’objet d’une seule demande d’autorisation permettant à la commission de se livrer à une appréciation globale de l’impact de l’opération sur la zone de chalandise concernée (1). Dès lors, la Cour annule l’autorisation provisoire délivrée pour erreur de droit.

(1) Comp : pour des demandes présentées séparément, portant sur des projets qui forment un seul ensemble commercial : décision légalement prise, dès lors que la commission, qui s’est prononcée au cours de la même séance, a été en mesure de porter une appréciation globale : CE, 25 fév. 2015, SAS Lavorel et autre 374181

Conclusions du rapporteur public

Jean-Paul Vallecchia

Rapporteur public à la cour administrative d'appel de Lyon

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  • IDREF

DOI : 10.35562/alyoda.6277

Sens des conclusions

Dossier 15LY01049 :

- rejet de la requête de la SAS Tomiya et autres contre la décision de la CNAC du 12 novembre 2014 autorisant le projet de la société Ville la Dis ;

- légalité de l’autorisation provisoire délivrée par la CNAC à la société Ville la Dis.

Dossier 15LY01056 :

rejet de la requête de la société CIS et de la société La Colline contre la décision de la CNAC du 12 novembre 2014 autorisant le projet de la société Ville la Dis ;

- irrecevabilité en raison du défaut d’intérêt pour agir des sociétés requérantes.

La CDAC de la Haute-Savoie avait, par décision du 10 juillet 2014 refusé à la société Ville la Dis de lui délivrer une autorisation d’exploiter à titre provisoire, sur le territoire de la Commune de Ville la Grand, un hypermarché à l’enseigne E. Leclerc d’une surface de vente de 2700 m², mais la CNAC, par décision du 12 novembre 2014, a donc infirmé cette décision et autorisé ce projet.

L’annulation de cette décision est, d’une part, demandée par la SAS Tomiya, la SAS Verrine, la SARL Menodis, et la SAS Distribution Casino France (c’est la requête 15LY01049) et, d’autre part, par la société CIS et la SCI La Colline (c’est la requête 15LY01056).

La société Ville la Dis, qui donc exploite à Ville la Grand un supermarché à l’enseigne Leclerc, de 2700 m² de surface de vente avait envisagé, de procéder à l’extension de son magasin, pour en porter la surface à 5900 m² et avait obtenu à cette fin, en 2010 et en 2011, l’autorisation de la CDAC puis de la CNAC, a finalement opté pour une solution de démolition-reconstruction de son établissement, cette opération pouvant être réalisée en moins de deux ans alors que l’extension avec maintien de l’activité commerciale prendrait quatre ans.

Dans ces conditions, pour maintenir une offre commerciale quasi-identique et assure le maintien de l’emploi, elle a sollicité en outre, en plus de l’autorisation déjà obtenue de procéder à une extension, l’autorisation d’exploiter, provisoirement, durant 24 mois, 2700 m² de surface de vente dans un immeuble à usage d’entrepôt dont elle est propriétaire non loin de son magasin d’origine (à environ 3 km) et a sollicité aussi d’ailleurs un permis de construire précaire pour procéder au changement de destination de cet immeuble sur le fondement des articles R.433-1 et suivants du Code de l’Urbanisme.

Dans un premier temps, la CDAC s’est opposée à ce projet, sur les fondements d’une incompatibilité avec le SCOT de la Région d’Annemasse, d’une non-conformité du projet à la zone Uxa du PLU, d’une absence de garantie de remise en état du terrain à l’issue de la durée de validité du permis, de la possibilité de procéder à des travaux d’extension sans transférer provisoirement l’activité, de l’implantation du projet hors du réseau cyclable, de l’imprécision du projet en matière de développement durable et de l’absence d’aménagement paysager.

Mais la CNAC est revenue sur cette décision en considérant que le projet, satisfaisant pour le confort de la clientèle, n’aura pas d’impact sur l’animation de la vie urbaine puisque l’enseigne existe déjà sur le secteur, que l’installation provisoire sur une friche industrielle se situe à proximité de la ZAC du Mont-Blanc, où sont installées d’autres enseignes et dont la desserte routière et par les transports en commun est satisfaisante, aucune construction provisoire ne devant être réalisée, le site redevenant ensuite une réserve du supermarché, 124 arbres devant être plantées et les eaux de toitures devant être récupérées et valorisées.

Sur la requête de la SAS Tomiya, la SAS Verrine, la SARL Menodis, et la SAS Distribution Casino France, il faut préalablement préciser que nous nous trouvons dans le cadre d’une autorisation provisoire d’exploitation commerciale, de deux années. Ce type d’exploitation n’est pas prévu par le Code de Commerce (contrairement au Code de l’Urbanisme qui prévoit des permis précaires) mais ce type d’exploitation n’est pas non plus interdit.

Il faut certes raisonner à partir du régime existant mais nécessairement l’adapter à la spécificité de ce type de projet, qui n’a donc pas vocation à être pérenne. L’analyse des moyens d’annulation qui sont présentés devra, à notre sens, nécessairement en tenir compte. Il ne faut pas perdre de vue que la société Ville la Dis a obtenu l’autorisation de procéder à l’extension de son supermarché et que l’autorisation provisoire qu’elle a sollicitée va lui servir à réaliser la démolition et la reconstruction de son établissement tout en poursuivant son activité commerciale dans des conditions satisfaisantes.

Sous cet éclairage, indispensable, voyons quelles critiques sont présentées.

La motivation de la décision ne nous paraît pas devoir être remise en cause.

Les sociétés requérantes auraient voulu que la CNAC adopte une motivation beaucoup plus large, sur d’autres points sensibles, selon elles, du dossier, mais, comme vous le savez, la CNAC n’y est pas tenue (Conseil d’Etat n° 370089 du 11 février 2015 Société Reims République Développement), et les points retenus par la CNAC sont suffisamment explicités.

Le dossier de demande d’autorisation d’exploiter comportait, contrairement à ce qui est soutenu, des éléments sur les flux de circulation liés au projet, spécialement pour les voies de desserte, en page 52 du dossier de demande, au travers d’une évaluation du nombre de véhicules pouvant fréquenter le site chaque jour, compte-tenu de la dominante alimentaire de l’établissement, plus régulière sur les jours de semaine et avec une amplitude horaire permettant de lisser la fréquentation, étant entendu qu’il existe aussi une ligne de transport en commun desservant le site et des voies de circulation pour deux roues.

Sur les éléments relatifs à l’insertion du projet dans son environnement, la société Ville La Dis a produit quelques éléments devant la CNAC. Le dossier de demande qui a été communiqué le prouve. Quoiqu’il en soit, il faut préciser sur ce point qu’il s’agit d’un bâtiment existant devant seulement être réaménagé, dont le terrain sera végétalisé et qui ne sera exploité que durant deux années.

A l’égard des objectifs et critères posés par la loi, contrairement à ce qui est soutenu de manière un peu excessive, il n’y aura pas de bouleversement de l’économie locale en raison du déplacement à 3 km du site d’origine du supermarché Leclerc, même si une clientèle différente pourra s’y intéresser davantage.

Certes le règlement du PLU ne prévoit pas dans cette zone l’implantation de commerces, mais il s’agit d’un déménagement provisoire dans l’attente de l’extension autorisée sur le site d’origine, et la proximité de la ZAC du Mont-Blanc n’apparaît pas incohérente avec cette relocalisation temporaire.

Les aménagements routiers qui étaient envisagés, pour l’élargissement de la Rue des Buchillons et la réalisation d’un rond-point, devaient être achevés au mois d’octobre 2014.

En matière de développement durable, alors qu’il s’agit d’un bâtiment à usage d’entrepôt et de drive provisoirement transformé en surface de vente commerciale, il y aura toute de même un dispositif de récupération des eaux de pluie, un sas d’entrée sera créé pour réduire les déperditions de chaleur, un système d’éclairage fluorescent sera installé y compris dans les réserves et laboratoires, et si la surface des parkings et des voiries est augmentée, il sera néanmoins procédé à une plantation de 124 arbres (21 seront abattus sur 85 existants) .

Dans ces conditions, il nous semble que la décision de la CNAC d’autoriser provisoirement le transfert de ce supermarché Leclerc doit être confirmée.

Sur la requête de la société CIS et la SCI La Colline, il nous semble que vous devrez arrêter votre raisonnement plus en amont, au stade de l’examen de la recevabilité de l’action des deux sociétés requérantes, une fin de non-recevoir étant opposée en défense.

Pour justifier d’un intérêt à agir, les sociétés requérantes doivent prouver leur établissement dans la zone de chalandise du projet ainsi qu’une situation de concurrence entre leurs commerces et le projet autorisé (Conseil d’Etat n° 353532 du 21 novembre 2012 Société Vemarq ou encore Conseil d’Etat n° 358179 et 358849 Union Commercial Industrielle et Artisanale de Saint-Pol et SARL Stadium du 2 mars 2015) .

Or, la société La Colline se prévaut de sa qualité de propriétaires de neuf parcelles de terrain, de plus de 26.000 m², à Ville la Grand, Rue de Montréal, à moins de 150 m du site du projet, parcelles dont elle dit qu’elles ont vocation à accueillir des équipements commerciaux, ce qui ne permet pas de justifier d’une situation de concurrence actuelle avec le projet commercial autorisé. C’est, semble-t-il, sur ces terrains que la société La Colline va procéder à l’extension de l’ensemble commercial « Cap Bernard », mais cette extension n’est, à ce jour, pas effective, la Cour n’ayant pas encore tranché le litige qui vient également au rôle de l’audience d’aujourd’hui.

Et la société CIS se dit propriétaire d’un terrain de 50.077 m² au sein de la ZAC du Mont Blanc, à 300 m du site du projet, où serait exploité un ensemble commercial et un magasin Conforma, autorisés en 2009, mais, là encore, la situation de concurrence commerciale n’est nullement justifiée, faute de précisions sur la nature de ces commerces. Il existe d’ailleurs à cet égard un doute, la société Ville la Dis parlant aussi d’un magasin Maison du Monde, sans lien de concurrence commerciale avec une surface alimentaire.

Il vous faudra en conséquence, nous semble-t-il, dans ce contexte, relever ce défaut d’intérêt à agir.

Par ces motifs nous concluons :

- dans le dossier 15LY01049 : au rejet de la requête de la SAS Tomiya et autres contre la décision de la CNAC du 12 novembre 2014 autorisant le projet de la société Ville la Dis et à ce que soit mise à la charge des sociétés requérantes une somme globale de 1500 euros qui sera versée à la société Ville la Dis au titre des frais irrépétibles.

- dans le dossier 15LY01056 : au rejet de la requête de la société CIS et de la société La Colline contre la décision de la CNAC du 12 novembre 2014 autorisant le projet de la société Ville la Dis en raison de son irrecevabilité et à ce que soit mise à la charge des sociétés requérantes une somme de 1500 euros qui sera versée à la société Ville la Dis au titre des frais irrépétibles.

Droits d'auteur

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