Répartition entre une collectivité et un centre de gestion des dépenses consécutives à une rupture de convention de mise à disposition d’un fonctionnaire

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Décision de justice

CAA Lyon, 1ère chambre – N° 14LY01799 – Commune de Saint-Gervais-sur-Couches – 24 février 2015 – C+

Juridiction : CAA Lyon

Numéro de la décision : 14LY01799

Numéro Légifrance : CETATEXT000030704040

Date de la décision : 24 février 2015

Code de publication : C+

Index

Mots-clés

Fonction publique territoriale, Centre de gestion, Convention de mise à disposition, Rupture unilatérale, Charges financières induites, Article 25 de la loi n°84-53 du 26 janvier 1984

Rubriques

Fonction publique

Résumé

Une convention, conclue pour une durée d’un an tacitement reconductible, entre le centre départemental de gestion de la fonction publique territoriale et une commune, indique les conditions de mise à disposition d’un fonctionnaire à une commune pour une durée de 9h par semaine en tant que secrétaire de mairie. En l’absence de précision dans la convention, la question est de savoir quelle est la collectivité qui doit supporter la charge financière induite par la rupture de la convention jusqu’à ce que l’agent soit réemployé. En l’espèce, la rupture de la convention par la commune d’accueil, a lieu un jour avant le début de la reconduction tacite. Dans la mesure où la convention arrive à son terme et qu’aucune procédure spécifique ne prévoit ce type de rupture, la collectivité d’accueil ne peut qu’être regardée comme ayant décidé de ne pas la prolonger pour une nouvelle période d’un an et non comme ayant entendu, en application des stipulations de cette même convention, la modifier dans le cours de son exécution. Dès lors, le centre de gestion de la fonction publique territoriale ne pouvait pas demander à la commune d’acquitter les charges financières induites par la rupture de la convention.

Cf. CE n° 361155, du 28 mai 2014 annule et renvoie CAA Lyon N° 10LY02650, du 25 mai 2012

Conclusions du rapporteur public

Jean-Paul Vallecchia

Rapporteur public à la cour administrative d'appel de Lyon

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DOI : 10.35562/alyoda.6193

Sens des conclusions :

Annulation de l’article 4 du jugement du 5 octobre 2010 du Tribunal Administratif de Dijon ; annulation des titres de recettes émis les 20 et 21 août 2008 à l’encontre de la Commune de Saint-Gervais sur Couches ; et annulation du rejet implicite de la demande de décharge du 16 octobre 2008.

Décharge au bénéfice de la Commune de la somme de 46.946, 04 euros réclamée par la mise en demeure du 20 février 2009.

Les titres exécutoires insuffisamment motivés ont déjà été annulés par la TA de Dijon. Ceux qui ne l’ont pas été sont suffisamment motivés.

La Convention de mise à disposition entre le Centre de Gestion et la Commune avait seulement vocation à régir les relations entre ces deux organismes au regard de la mise à disposition.

Il ressort de l’article 3 de la Convention de mise à disposition que cette dernière est, à défaut de dénonciation, renouvelée pour une année par tacite reconduction.

La dénonciation du 28 décembre 2004 par la Commune, avec effet au 31 décembre 2004, ne constitue pas une résiliation mais un non renouvellement pour l’année 2005.

Les dispositions de l’article 6 de la Convention, combinées avec celles de l’article 3, sont destinées à régir les relations financières entre le Centre de Gestion et la Commune dans l’hypothèse d’une éventuelle modification, au cours de l’exécution de la Convention et pour le temps qui resterait à courir jusqu’à la fin de l’année civile en cours, des conditions de la mise à disposition.

La Commune ne s’étant pas placée dans cette hypothèse d’une modification des conditions de la mise à disposition mais dans l’hypothèse d’une non reconduction de la Convention de mise à disposition, les sommes qui lui ont été réclamées au titre de l’article 6 de la Convention ne sont pas légalement fondées.

La Commune de Saint-Gervais sur Couches, dans le Département de Saône et Loire, avait, en 2009, saisi le Tribunal Administratif de Dijon d’une demande d’annulation de divers avis de sommes à payer correspondant à des titres exécutoires émis par le payeur départemental, ainsi que de plusieurs lettres de rappel, d’une mise en demeure de régler la somme de 46.946, 04 euros et de l’ensemble des factures émises par le Centre Départemental de Gestion de la Fonction Publique Territoriale de Saône et Loire relatives à ces sommes, ce contentieux du recouvrement trouvant son origine dans une Convention de mise à disposition, entre le Centre Départemental de Gestion et la Commune, d’une fonctionnaire territoriale, recrutée le 1er janvier 1988 par le Centre de Gestion, pour être mise à disposition des Communes affiliées en qualité de secrétaire de Mairie, dans les conditions prévues par l’article 25 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et du décret du 8 octobre 1985 relatif au régime de la mise à disposition des fonctionnaires territoriaux.

Cette Convention de mise à disposition avait été renouvelée le 22 décembre 1998, avec effet au 1er janvier 1999.

Après avoir renoncé à demander l’engagement à l’encontre de la fonctionnaire territoriale concernée d’une procédure disciplinaire, en raison de l’opposition des deux autres communes affiliées employeuses de l’intéressée, la Commune de Saint-Gervais sur Couches avait mis fin, par un arrêté du 20 novembre 2004, au contrat de cet agent et, par une décision du 28 décembre 2004 prenant effet le 31 décembre 2004, à la Convention de mise à disposition liant la Commune au Centre de Gestion.

Par jugement du 13 avril 2006, le Tribunal administratif de Dijon avait annulé l’arrêté municipal du 20 novembre 2004 mettant fin au contrat, au motif que seul le Centre de Gestion était compétent pour y procéder.

Saisi d’une difficulté d’exécution, le Tribunal avait précisé, le 14 décembre 2006, que, dans la mesure où la décision du 28 décembre 2004 mettant fin à la Convention de mise à disposition n’était pas contestée, son jugement du 13 avril 2006 n’impliquait pas la réintégration de la fonctionnaire concernée dans son emploi de secrétaire de Mairie de la Commune de Saint-Gervais sur Couches au-delà du 31 décembre 2004.

Saisi à nouveau par la Commune de Saint-Gervais sur Couches, le Tribunal administratif de Dijon avait, par jugement du 6 mars 2008, annulé plusieurs avis des sommes à payer des exercices 2005, 2006, et 2007, émis par la paierie départementale de Saône et Loire ainsi que les lettres de rappel correspondant à ces avis, en tant qu’elles portaient sur la même somme et rejeté le surplus des conclusions de la demande d’annulation.

Les 20 et 21 août 2008, le Centre de Gestion de la Fonction Publique Territoriale de Saône et Loire avait donc réédité l’ensemble des factures portant sur les charges afférentes à l’emploi dont il s’agit pour la période allant du 1er décembre 2004 au 31 août 2008 tandis que la paierie départementale de Saône et Loire avait réémis à ces mêmes dates des titres exécutoires pour le recouvrement de ces factures, donnant ainsi lieu à un nouveau contentieux devant le Tribunal Administratif de Dijon, celui qui nous intéresse directement aujourd’hui.

Par jugement n° 0900693 du 5 octobre 2010 de ce Tribunal, ont ainsi été annulés pour vice de forme quinze titres de recettes émis entre le 19 juin 2007 et le 19 août 2008 ainsi que les lettres de rappel correspondant à ces titres, mais a rejeté la demande d’annulation de quarante-cinq autres titres de recettes émis les 20 et 21 août 2008 ainsi que la mise en demeure de payer la somme de 46.946, 04 euros adressée à la Commune par le payeur départemental de Saône et Loire.

Les premiers juges ont admis la compétence du Maire de Saint-Gervais sur Couches pour engager ce contentieux au nom de la Commune, ont rejeté comme étant irrecevables, du fait de l’autorité de chose jugée attachée au précédant jugement du 6 mars 2008, les conclusions de la Commune dirigées contre les avis des sommes à payer et les lettres de rappel relatives à certaines factures émises par le Centre de Gestion entre le 13 juillet 2006 et le 16 mai 2007, et ont, comme dans leur jugement du 6 mars 2008, annulé en raison d’un défaut de motivation, les avis et lettres de rappel ne portant que la seule mention « intercommunaux » suivie de l’année et du mois de leur émission, les premiers juges considérant, sur le fond, au regard des articles 3 et 7 du décret du 3 octobre 1985, que les titres exécutoires émis par le Centre de Gestion entre le 19 juin 2007 et le 19 août 2008 étaient bien fondés, la fin de la mise à disposition ne pouvant résulter que d’un acte pris par l’autorité détenant le pouvoir de nomination et la Convention de mise à disposition pouvant, pour les besoins de la liquidation de la situation née de la mise à disposition, survivre à la fin de cette mise à disposition, les premiers juges constatant en outre qu’en vertu de l’article 6 de la Convention de mise à disposition les sommes demandées n’étaient pas constitutives de traitements, mais de charges financières induites par la fin de la mise à disposition de l’agent.

La Commune de Saint-Gervais sur Couches n’ayant pas obtenu satisfaction sur le fond, elle s’est pourvue devant la Cour.

Par arrêt 10LY02650 du 25 mai 2012, la Cour a prononcé l’annulation des quinze titres exécutoires de recettes émis par le centre de gestion de la fonction publique territoriale de Saône et Loire à l’encontre de la Commune de Saint-Gervais sur Couches entre le 19 juin 2007 et le 19 août 2008 et déchargé cette dernière de l’obligation de payer les sommes mises à sa charge par ces titres, soit 14 408, 61 euros.

La Cour a considéré que ces sommes représentaient la rémunération de l’agent au titre des années postérieures à la dénonciation de la Convention de mise à disposition et que le second alinéa de l’article 6 de cette Convention de mise à disposition, sur lequel étaient fondées ces sommes, méconnaissait la règle de la rémunération après service fait posée par l’article 20 de la loi n° 083-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, même si l’absence de service fait n’était pas imputable à l’agent.

Le Centre Départemental de Gestion de la Fonction Publique Territoriale de Saône et Loire s’est alors pourvu en cassation devant le Conseil d’Etat contre les articles 1 à 3 de l’arrêt de la Cour et la Commune de Saint-Gervais sur Couches a formé un pourvoi incident contre l’article 4 du même arrêt en tant qu’il avait refusé d’annuler les titres de recettes émis les 20 et 21 août 2008 et de prononcer la décharge de la somme de 46.946, 04 euros.

Par décision n° 0361155 du 28 mai 2014, le Conseil d’Etat a annulé l’arrêt de la Cour du 25 mai 2012 et renvoyé cette affaire devant elle afin qu’il y soit à nouveau statué.

Sur le pourvoi principal, le Conseil d’Etat, se fondant sur l’article 25 de la loi n° 084-53 du 26 janvier 1984, qui prévoit une répartition entre les collectivités bénéficiaires des prestations, par Convention entre le Centre de Gestion et ces collectivités, des dépenses afférentes à la mise à disposition, le Conseil d’Etat a considéré que la Cour avait commis une erreur de droit en jugeant que l’article 6 alinéa 2 de la Convention de mise à disposition était contraire à la règle de rémunération après service fait posée par l’article 20 de la loi du 13 juillet 1983, la Convention traitant des relations financières entre le Centre de Gestion et la Commune et l’article 20 de la loi du 13 juillet 1983 traitant de la rémunération d’un fonctionnaire par la personne publique qui l’emploie.

Sur le pourvoi incident de la Commune, le Conseil d’Etat a considéré que la Cour avait commis une autre erreur de droit en se méprenant sur la portée du litige qui lui était soumis et en s’abstenant de statuer sur les conclusions qui lui étaient présentées tendant à l’annulation des quarante-cinq titres de recettes émis à l’encontre de la Commune les 20 et 21 août 2008, des avis à payer correspondant à ces titres et de la mise en demeure de payer la somme de 46.946, 04 euros.

La Commune de Saint-Gervais sur Couches conteste donc la somme qui a été mise à sa charge par le Centre Départemental de Gestion de la Fonction Publique Territoriale de Saône et Loire.

Si le Centre de Gestion indique que le Tribunal Administratif de Dijon s’est définitivement prononcé, en l’annulant par jugement du 13 avril 2006, sur l’arrêté municipal du 20 novembre 2004 mettant fin au contrat de la fonctionnaire territoriale mise à sa disposition, annulation au motif que seul le Centre de Gestion, autorité de nomination, était compétent pour y procéder, cette annulation, qui est certes devenue définitive, n’a pas d’incidence sur l’application de la Convention de mise à disposition qui est ici en cause, une Convention qui, comme l’a rappelé le Conseil d’Etat, a vocation à régir les relations entre la Commune et le Centre de Gestion au regard de la mise à disposition.

L’article 6 de la Convention du 22 décembre 1998 dont l’interprétation est sollicitée stipule :

« Toute modification de la présente Convention ne pourra être envisagée qu’après information réciproque des parties et concertation préalable tendant à maintenir la nature du service mis en place par le Centre de Gestion à la demande des collectivités affiliées.

Si la modification demandée par la collectivité d’accueil a pour objet de diminuer le temps de travail de l’agent ou de mettre fin à sa mise à disposition, les charges financières induites seront acquittées par la collectivité d’accueil jusqu’à ce que l’agent soit réemployé à concurrence de la durée légale du travail. ».

Comme l’avait remarqué le rapporteur public devant le Conseil d’Etat, la Convention de mise à disposition n’explicite nullement ce que sont « les charges financières induites » et, de manière un peu surprenante, ne pose aucune limite à l’implication financière de la Commune alors que le réemploi de l’agent à concurrence de la durée légale du travail est indépendant de sa volonté…

Dans son arrêt du 25 mai 2012 censuré par le Conseil d’Etat, la Cour semble avoir interprété cette notion floue de « charges financières induites » dans le sens que lui donnait et que lui donne encore le Centre de Gestion, c'est-à-dire, pour reprendre l’expression utilisée par le Rapporteur Public devant le Conseil d’Etat, comme « une somme représentative de la rémunération de l’agent ».

Cette interprétation, par sa radicalité et par la contrainte budgétaire excessive qu’elle pourrait faire peser sur une petite Commune, prête effectivement le flanc à la critique et pourrait, le cas échéant, être réduite, comme l’avait envisagé le Tribunal Administratif de Dijon, à une dimension beaucoup plus pragmatique, garantissant à la fois la liberté de choix de la Commune, les contraintes du Centre de Gestion et les droits de l’agent mis à disposition.

Mais, cela dit, il nous semble, même si la Commune ne peut, comme l’avait d’ailleurs rappelé le Tribunal Administratif de Dijon dans son jugement du 5 octobre 2010, si la Commune ne peut déduire de sa dénonciation de la Convention de mise à disposition qu’aucune obligation ne la lierait plus au Centre de Gestion, alors que les effets de cette Convention peuvent survivre à sa résiliation, il nous semble que la position de la Commune de Saint-Gervais sur Couches plaidant en faveur d’une interprétation combinée des articles 3 et 6 de la Convention de mise à disposition doit retenir l’attention de la Cour.

En effet, aux termes de l’article 3 de la Convention de mise à disposition :

« La nouvelle Convention de mise à disposition prend effet à compter du 1er janvier 1999 pour une durée d’un an tacitement reconductible. ».

Cela signifie que la Commune et le Centre de Gestion avaient explicitement conclu cette Convention pour une durée d’un an, renouvelable tacitement d’année en année sauf dénonciation par l’une des parties, et la Commune l’ayant dénoncée le 28 décembre 2004, ladite Convention n’a pas été renouvelée pour l’année 2005.

Nous nous ne situons pas là dans le cas de figure de la résiliation d’un contrat par l’une des parties, avec toutes les conséquences que cela implique, mais plus exactement dans le cas de figure d’un renouvellement tacite qui a été interrompu, comme chacune des parties pouvait l’envisager à chaque échéance annuelle : il n’y a pas là de véritable remise en cause du contrat, les conséquences attendues ayant pu être envisagées du fait de l’échéance annuelle et du dispositif de reconduction tacite.

Ainsi, à la lumière des dispositions de l’article 3 de la Convention, il apparaît que l’article 6 pourrait s’interpréter, comme il le stipule d’ailleurs lui-même explicitement à deux reprises, comme s’appliquant uniquement à l’hypothèse d’une modification, c’est à dire d’une remise en cause, en cours d’année, de la Convention de mise à disposition, alors qu’un renouvellement tacite pour une année entière serait déjà intervenu, cette rupture unilatérale du contrat en cours d’année impliquant que la collectivité responsable assume « les charges financières induites » par sa décision jusqu’à la fin de l’année en cours ou jusqu’à ce que le Centre de Gestion trouve, avant la fin de l’année en cours, une nouvelle affectation à son agent compensant la perte d’heures provoquée par la rupture du contrat.

La Commune de Saint-Gervais sur Couches ayant dénoncé la Convention de mise à disposition à l’échéance contractuelle pour l’année à venir, le Centre Départemental de Gestion ne pouvait tirer des dispositions de l’article 6 de la Convention de mise à disposition, qu’il faut combiner avec celles de l’article 3, les conséquences financières qu’elle en a tirées.

Par ces motifs nous concluons, à l’annulation de l’article 4 du jugement n° 0900693 du 5 octobre 2010 du Tribunal Administratif de Dijon, à l’annulation des titres de recettes amis les 20 et 21 août 2008 à l’encontre de la Commune de Saint-Gervais sur Couches et de la décision implicite de rejet de sa demande de décharge du 16 octobre 2008, à ce que la Commune soit déchargée de l’obligation de payer la somme de 46.946, 04 euros dont le paiement lui a été réclamé par mise en demeure du 20 février 2009, et à ce que soit mise à la charge du Centre Départemental de Gestion de la Fonction Publique Territoriale de Saône et Loire une somme de 1500 euros qui sera versée à la Commune de Saint-Gervais sur Couches au titre des frais irrépétibles.

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