La Cour administrative d’appel de Lyon livre son interprétation de la notion de complexité, comme condition de recours au contrat de partenariat. Elle ne dégage pas de standard juridique propre à mesurer la complexité technique d’un projet, mais exige de la personne publique contractante qu’elle justifie in concreto de la complexité technique de son projet en lien avec sa situation particulière, ou encore qu’elle apporte la preuve de son incapacité objective à établir seule et à l’avance le montage juridique et financier adéquat.
C.A.A. Lyon – 4ème Chambre – N° 12LY02827 – 2 janvier 2014 - Conseil régional de l’ordre des architectes d’Auvergne – C+
« Par leur objet, les contrats de partenariat constituent des marchés publics au sens des directives européennes. L’objectif de lisibilité du droit exige de consacrer cette qualification en les intégrant dans l’ordonnance sur les marchés publics plutôt que d’en faire une catégorie juridique distincte à côté des marchés publics et des concessions » (P. Moscovici, Discours de clôture du colloque sur la transposition des directives européennes relatives aux marchés publics, 12 mars 2014) . Dans l’attente de la transposition des directives du 26 janviers 2014 relatives aux marchés publics et aux concessions (Directives 2014/23/UE, 2014/24/UE et 2014/25/UE), le contrat de partenariat des collectivités territoriales et de leurs établissements publics (article L. 1414-1 et suivants du code général des collectivités territoriales, ci-après « CGCT ») est toujours considéré comme un contrat profondément dérogatoire au droit commun de la commande publique, constitué des marchés publics et des délégations de service public. En témoignent les réserves émises par le Conseil constitutionnel à son égard : « […] la généralisation de telles dérogations au droit commun de la commande publique ou de la domanialité publique serait susceptible de priver de garanties légales les exigences constitutionnelles inhérentes à l'égalité devant la commande publique, à la protection des propriétés publiques et au bon usage des deniers publics ». Le recours au contrat de partenariat doit par conséquent être réservé « […] à des situations répondant à des motifs d'intérêt général tels que l'urgence qui s'attache, en raison de circonstances particulières ou locales, à rattraper un retard préjudiciable, ou bien la nécessité de tenir compte des caractéristiques techniques, fonctionnelles ou économiques d'un équipement ou d'un service déterminé […] » (Conseil constitutionnel, décision n° 2003-473 DC du 26 juin 2003, loi habilitant le Gouvernement à simplifier le droit) . La loi n° 02008-735 du 28 juillet 2008 devait ajouter une troisième hypothèse dans laquelle le recours au contrat de partenariat est possible, celle dite du « bilan favorable » (article L. 1414-2 du CGCT, 3°) .
Il ressort nettement des avis de la Mission d’appui à la réalisation des contrats de partenariat public-privé que la condition de complexité est la plus souvent invoquée par les collectivités territoriales ayant recours au contrat de partenariat. La collectivité qui s’y risque doit établir de manière suffisamment précise qu’elle n’est « pas objectivement en mesure de définir seule et à l'avance les moyens techniques répondant à ses besoins ou d'établir le montage financier ou juridique du projet » (article L. 1414-2 du CGCT, 1°) . La condition de complexité peut donc être remplie soit par la technicité du projet, soit par les difficultés à établir un montage juridico-financier pertinent.
En l’espèce, la commune de Commentry a décidé, par délibération de son conseil municipal du 23 septembre 2009, de recourir au contrat de partenariat pour la réalisation d’une piscine municipale. Par une nouvelle délibération du 9 février 2011, le conseil municipal a autorisé le maire à signer le contrat avec la société d’équipement de l’Auvergne, une société d’économie mixte. Le Conseil régional de l’ordre des architectes d’Auvergne, ainsi qu’un particulier, ont formé des recours pour excès de pouvoir à l’encontre de cette dernière délibération et contre la décision du maire de signer le contrat. Le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté les requêtes par jugement du 20 septembre 2012. Saisie de l’appel contre ce jugement, la Cour de Lyon devait, par un arrêt du 2 janvier 2014, annuler la décision des premiers juges, ainsi que la délibération autorisant le maire à signer le contrat et la décision du maire de le signer, au motif que la complexité du projet, condition du recours au contrat de partenariat invoquée par la commune, n’était pas remplie.
L’arrêt du 2 janvier 2014, mis en perspective avec la jurisprudence administrative encore peu fournie sur la question, permet de cerner un peu mieux la notion de complexité justifiant le recours au contrat de partenariat (1). En l’espèce, le non-respect de la condition de complexité emporte de lourdes conséquences quant au sort du contrat (2).
1 – L’interprétation stricte de la notion de complexité du projet en tant que condition de recours à un contrat dérogatoire au droit commun
Consciente du caractère profondément dérogatoire au droit commun de la commande publique du contrat de partenariat, la Cour administrative d’appel livre une interprétation stricte de la condition de complexité du projet, plus stricte, semblerait-il, que l’interprétation de la notion de complexité en tant que condition de recours à la procédure du dialogue compétitif.
La commune de Commentry avait motivé le recours au contrat de partenariat par sa complexité technique et son incapacité à établir, seule et à l’avance, un montage juridique et financier adéquat. Historiquement, la notion de complexité en matière de contrats de partenariat est directement héritée de la condition de complexité justifiant le recours à la procédure de dialogue compétitif de l’article 36 du code des marchés publics. Ce dernier transpose l’article 1er, 11, C de la directive 2004/18/CE du 31 mars 2004 qui énonce qu’un marché public « est considéré comme particulièrement complexe, aux fins du recours au dialogue compétitif, lorsque le pouvoir adjudicateur n’est pas objectivement en mesure de définir […] les moyens techniques pouvant répondre à ses besoins ou à ses objectifs [ou] n’est pas en mesure d’établir le montage juridique et/ou financier d’un projet ». En matière de marchés publics, il a récemment été admis que les conditions du recours à la procédure du dialogue compétitif étaient réunies pour un marché de prestations d’assurances collectives des collaborateurs du réseau de l’Assemblée des chambres françaises de commerce et d’industrie (C.E. 11 mars 2013, n° 364551, Assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie) . En l’espèce, « […] le marché litigieux s'inscrivait dans le cadre d'une réforme d'ensemble du réseau des chambres de commerce et d'industrie ; […] il avait notamment pour objectif d'harmoniser les garanties d'assurance collective en matière de prévoyance et de frais de soins de santé pour l'ensemble des personnels du nouveau réseau consulaire, jusqu'alors couverts de manière hétérogène par de nombreux contrats souscrits par les différents établissements ou " entités " liés au réseau consulaire ; qu'il avait ainsi vocation à se substituer progressivement, en fonction de leurs dates d'échéance respectives, à tous les contrats passés par les établissements et " entités " ; […] en outre, l'ACCI souhaitait que soient mises au point des solutions techniques originales permettant à la fois d'optimiser le dialogue social et la " gouvernance " du dispositif et de renforcer la qualité de la couverture des soins à moindre coût, en tenant compte de l'hétérogénéité des pratiques antérieures […] ». Dans ces conditions, le Conseil d’Etat a estimé que le pouvoir adjudicateur pouvait être regardé comme n’étant pas en mesure de définir seul et à l’avance l’ensemble des moyens techniques pouvant répondre à ses besoins, et que, partant, la condition de complexité motivant le recours à la procédure du dialogue compétitif était remplie.
En ce qui concerne le contrat de partenariat, peu nombreuses sont les décisions juridictionnelles traitant de cette condition de la complexité technique du projet. On relèvera que le Tribunal administratif de Montpellier a validé le recours à cette formule contractuelle pour la mise en œuvre d’un projet de théâtre à Perpignan. Dans cette affaire, la commune s’était fondée sur un projet de maîtrise d’œuvre réalisé par les Ateliers Jean Nouvel ayant abouti « […] à la présentation d’un projet architectural complexe, constitué d’un ensemble de bâtiments reliés entre eux par une pergola vitrée, suspendue et recouverte de végétaux, et comprenant en particulier une salle de spectacle en forme de galet, de couleur grenat et d’aspect brillant […] ». Le Tribunal a retenu que : « […] les études techniques pour la réalisation de cet ensemble, et en particulier de la salle de spectacles et de son revêtement, dont la forme et l’aspect extérieur étaient novateurs et au cœur du projet, restaient à réaliser à ce stade de son développement ; qu’eu égard à la complexité technique de sa réalisation et à l’importance de l’esthétique du projet, imposant des contraintes spécifiques de maintenance, la commune de Perpignan n’était pas en mesure de définir seule et à l’avance les moyens techniques pouvant répondre à ses besoins […] » (T.A. Montpellier, 26 février 2010, n° 00803471, Dillenshneider, Droit administratif, 2010, n° 06, comm. n° 094, note F. Brenet).
Par un arrêt du 26 juillet 2012, la Cour administrative d’appel de Bordeaux a censuré un jugement du Tribunal administratif de Pau qui avait validé le recours au contrat de partenariat, par la commune de Biarritz, pour la réalisation de la cité du surf et l’extension de l’aquarium du musée de la mer. Sur la condition de complexité, la Cour a retenu une approche innovante, en estimant que « […] l'incapacité objective de la personne publique à définir seule ces moyens doit résulter de l'inadaptation des formules contractuelles classiques à apporter la réponse recherchée […] » (C.A.A. Bordeaux, 6ème chambre, 26 juillet 2012, n° 10BX02109, M. B.) . Cette interprétation de la condition de complexité par la Cour de Bordeaux a toutefois été censurée par le Conseil d’Etat, saisi en cassation, par une décision du 30 juillet 2014 (C.E., 7ème et 2ème sous-sections réunies, 30 juillet 2014, n° 363007, Commune de Biarritz) .
L’arrêt de la Cour de Lyon du 2 janvier 2014 s’inscrit dans la même veine que la décision du Conseil d’Etat. La juridiction lyonnaise, plutôt que de dégager un standard juridique de la complexité du projet, a adopté une interprétation stricte, et surtout, in concreto, de la complexité technique du projet. La 4ème chambre se livre à un examen des arguments livrés par la commune de Commentry afin de justifier de la complexité de son projet de piscine municipale. La commune se prévaut du rapport d’évaluation préalable selon lequel la commune n’était pas à même de définir seule et à l’avance les moyens aptes à satisfaire ses besoins ou d’établir le montage financier ou juridique du projet. La collectivité allègue également des contraintes réglementaires, techniques, sanitaires et d’utilisation particulière caractérisant la construction d’une piscine que la conception doit prendre en compte. Elle ajoute que le projet est rendu plus complexe par les contraintes environnementales et techniques, ainsi que par la nécessité de prendre en compte la fermeture annuelle et la réalisation du réseau de chaleur. Ces justifications ne sont cependant pas propres à motiver le recours au contrat de partenariat par la complexité du projet.
La Cour administrative d’appel de Lyon retient, en effet, que : « […] ces contraintes, même en tenant compte en outre de la nécessité de respecter les normes en vigueur pour ce type d'ouvrage, sont insuffisantes pour caractériser, dans les circonstances de l'espèce, une complexité telle que la commune n'ait pas été objectivement en mesure de définir seule et à l'avance les moyens techniques répondant à ses besoins, compte tenu notamment de la faculté dont elle disposait d'établir pour la piscine municipale et, en l'absence de particularité suffisante du projet, des spécifications techniques en terme de fonctionnalité ou de performance ; qu'il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que la collectivité n'ait pas été en mesure d'établir le montage financier ou juridique du projet […] ». En d’autres termes, l’ensemble des arguments avancés par la commune, tirés de la complexité qui caractériserait, a fortiori, toute piscine municipale moderne, n’était pas de nature à la mettre dans l’impossibilité de définir à l’avance ses besoins. La technicité du projet n’a rien d’extraordinaire, puisqu’elle est partagée par toutes les infrastructures du même genre. Au surplus, la technicité revendiquée du raccordement au réseau de chaleur n’existait pas, dans la mesure où cette partie des travaux était sortie du champ du contrat de partenariat pendant le dialogue compétitif. On comprend d’autant plus le point de vue du juge d’appel en considérant que, s’il avait accueilli le raisonnement de la personne publique, le recours au contrat de partenariat motivé par la complexité du projet aurait pu être revendiqué par l’ensemble des communes désirant bâtir une piscine municipale.
La complexité s’avère ainsi incompatible avec les opérations courantes, et n’est donc retenue que pour les projets exceptionnels, ce qu’illustre l’arrêt rendu le 3 avril 2014 par la Cour administrative d’appel de Paris relatif au contrat de partenariat conclu pour la réalisation du nouveau Palais de justice de Paris (ROUSSET O., concl. sur C.A.A. Paris, 3 avril 2014, Association la Justice dans la Cité, M. Bourayne, nos 13PA02766, 13PA02769, 13PA02770, AJDA, 2014, p. 1322) . Il est jugé que « […] les dimensions exceptionnelles de l'ouvrage à réaliser, qui aura une surface de plus de 60 000 m² et abritera 90 salles d'audience, le nombre et la nature des juridictions qui y seront hébergées, impliquant notamment la présence du pôle anti-terroriste et la tenue de procès à forte résonance médiatique, et l'importante fréquentation du bâtiment, évaluée à près de 9 000 personnes par jour […] confèrent au projet envisagé une particulière complexité ; que celle-ci est encore accrue par les contraintes techniques et fonctionnelles induites par le choix […] de la construction […] dans une zone en cours d'aménagement sur d'anciennes emprises ferroviaires non viabilisées, d'un immeuble de très grande hauteur, dont il a notamment été décidé […] qu'il devrait être exemplaire en matière de performance énergétique et de développement durable ; que […] la réalisation de ce projet pose, en matière de sécurité et de sûreté, de performance acoustique et thermique, d'insertion de l'édifice dans son environnement, de maintenance et d'entretien des équipements, ainsi que de maîtrise des risques liés à un chantier d'une aussi grande ampleur, des difficultés telles que l'EPPJP a pu […] estimer qu'il était nécessaire de recourir à un contrat global […] ». La nature exceptionnelle du projet ressort clairement de ces considérations, tant par ses dimensions que par les contraintes techniques dont il est assorti. Par suite, le Palais de justice de Paris relève d’une complexité particulière, propre à justifier le recours au contrat de partenariat.
Dans le même esprit, le Conseil d’Etat a estimé dans sa décision du 30 juillet 2014 susmentionnée, rendue à propos du projet « Biarritz-Océan », que « […] la seule invocation de la complexité des procédés techniques à mettre en œuvre ne peut suffire à justifier légalement le recours au contrat de partenariat, en l'absence de circonstances particulières de nature à établir qu'il était impossible à la commune de définir, seule et à l'avance, les moyens techniques propres à satisfaire ses besoins […] ». Il ajoute que, pour démontrer son incapacité à définir seule et à l’avance ces moyens techniques, la collectivité peut se fonder sur l’ensemble des études à sa disposition avant que ne soit prise la décision de recourir au contrat de partenariat, sans que les techniques postérieures ne puissent lui être opposables.
Ainsi l’arrêt de la Cour de Lyon, celui de la Cour de Bordeaux et la décision du Conseil d’Etat participent-ils d’un même mouvement. Ils semblent détacher la condition de complexité de ses origines de condition de recours à la procédure du dialogue compétitif. C’est probablement l’apport décisif de ces jurisprudences.
En effet, le contrat de partenariat est dérogatoire au droit commun de la commande publique dans la mesure où il confie au cocontractant de l’administration une mission globale pouvant comprendre la conception, la construction, l’entretien, la maintenance, l’exploitation ou la gestion de l’ouvrage ainsi que tout ou partie de son financement. Quant à la procédure du dialogue compétitif, elle se distingue des procédures de droit commun en ce qu’elle ne suppose pas une définition préalable de ses besoins par le pouvoir adjudicateur. Elle constitue donc une simple dérogation à l’obligation (à valeur réglementaire) de définition préalable des besoins, telle qu’elle est prévue par l’article 5 du code des marchés publics. Il est très clair que le recours au contrat de partenariat et le recours à la procédure du dialogue compétitif constituent deux choses bien différentes.
La preuve en est certainement que l’article L. 1414-5 du CGCT prévoit que le contrat de partenariat peut être attribué au terme d’une procédure de dialogue compétitif, d’appel d’offre, ou d’une procédure négociée. Ainsi, et quand bien même la conclusion du contrat de partenariat ne passerait pas nécessairement par une procédure de dialogue compétitif, la complexité du projet fait partie des conditions de recours à cette formule contractuelle. Il faut donc nécessairement distinguer entre la complexité en tant que condition de recours au contrat de partenariat, et la complexité en tant que condition de recours au dialogue compétitif. Dès lors, il n’y a pas lieu de considérer que cet arrêt porte « […] une atteinte masquée à l’usage du dialogue compétitif […] », comme ce point de vue a pu être soutenu par ailleurs (CHAMMING’S G., « Le contrat de partenariat à l’épreuve de la complexité », AJDA, 2014, p. 985). L’interprétation stricte de la condition de complexité en matière de recours au contrat de partenariat n’emporte pas nécessairement le même degré d’exigence en matière de recours au dialogue compétitif.
L’interprétation de la condition de complexité qui ressort des dernières décisions des juridictions administratives paraît fidèle aux réserves émises par le Conseil constitutionnel dans la décision du 26 juin 2003. Il est évident que si la condition de complexité n’est pas remplie en l’espèce, on doit en déduire que le recours au contrat de partenariat a été réalisé en méconnaissance des exigences constitutionnelles inhérentes à l'égalité devant la commande publique, à la protection des propriétés publiques et au bon usage des deniers publics. Ce sont, en effet, ces exigences constitutionnelles qui ont dicté les conditions législatives du recours au contrat de partenariat. La haute valeur juridique des normes violées par la décision de recours au contrat de partenariat explique, quant à elle, la sévérité des prescriptions émises par le juge de l’exécution quant au sort du contrat illégal.
2 – Les conséquences de l’illégalité du recours au contrat de partenariat sur le sort du contrat
Le recours au contrat de partenariat étant jugé illégal, la Cour devait se prononcer sur les conclusions aux fins d’injonction.
Le juge de l’exécution se prononce sur les conséquences à tirer de l’annulation de l’acte détachable, conformément aux prescriptions de la décision « Ophrys » (C.E., 21 février 2011, Société Ophrys, n° 337349, BJCP, 2011, p. 133, concl. B. Dacosta ; JCPA, 2011, n° 02183, note Busson), selon laquelle « […] il appartient au juge de l'exécution, après avoir pris en considération la nature de l'illégalité commise, soit de décider que la poursuite de l'exécution du contrat est possible, éventuellement sous réserve de mesures de régularisation prises par la personne publique ou convenues entre les parties, soit, après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l'intérêt général, d'enjoindre à la personne publique de résilier le contrat, le cas échéant avec un effet différé, soit, eu égard à une illégalité d'une particulière gravité, d'inviter les parties à résoudre leurs relations contractuelles ou, à défaut d'entente sur cette résolution, à saisir le juge du contrat afin qu'il en règle les modalités s'il estime que la résolution peut être une solution appropriée […] ».
La Cour prend en compte la nature et la gravité du vice entachant le contrat d’illégalité, et décide d’enjoindre aux parties de résoudre leurs relations contractuelles ou, à défaut d’accord sur ce point, de saisir le juge du contrat afin qu’il en constate la nullité. Les principales critiques adressées à cet arrêt se concentrent sur l’atteinte à l’intérêt général que causerait la résolution des relations contractuelles, ou l’annulation de la convention par le juge du contrat (en ce sens, voir CHAMMING’S G., précité). La critique relève qu’au moment où le juge rend sa décision, l’ouvrage est construit et déjà en phase d’exploitation maintenance ; que les conséquences financières de la résolution du contrat sont dramatiques pour la commune, et que, dès lors, cet arrêt « […] ne démontre pas un modèle vertueux du bon usage et de la juste maîtrise des dépenses publiques […] ». Nous pensons au contraire que cette sanction est en totale adéquation avec la particulière gravité du vice entachant le contrat, la valeur constitutionnelle des règles violées n’étant plus à rappeler.
La balance entre la stabilité des relations contractuelles et l’atteinte à l’intérêt général pouvant résulter de l’annulation du contrat, et entre la nature et la gravité du vice dont est entaché son acte détachable, telle qu’elle est décrite dans la décision « Institut de la recherche pour le développement » (C.E., 10 décembre 2003, Institut de la recherche pour le développement, n° 248950, BJCP, 2004, n° 33, p. 136, concl. Piveteau ; AJDA, 2004, p. 394, note J.-D. Dreyfus) et assise par la décision « Ophrys » (précité), n’a pas vocation à ne jouer qu’en faveur de la stabilité des relations contractuelles.
Il est constant que le contrat peut être annulé dès lors que le vice constaté n’est pas propre à l’acte détachable, mais entache le contrat lui-même. Traditionnellement, si le contrat a un contenu illicite, il sera mis fin aux relations contractuelles. En l’espèce, le contrat est illégal dans son principe même : la collectivité ne pouvait pas, pour mener à bien son projet, passer un contrat de partenariat. Le vice n’est pas régularisable. Il est difficile, en réalité, de faire état d’un vice plus grave que celui-ci. Dès lors, il n’est pas choquant que le juge enjoigne aux parties de résoudre leurs relations contractuelles ou, à défaut d’entente sur ce point, de saisir le juge du contrat. En l’espèce, la Cour précise que « […] il n'appartient pas au juge de l'injonction, lorsqu'il estime qu'un vice justifie la résolution du contrat, de se prononcer sur les atteintes à l'intérêt général, qu'il appartiendra au seul juge du contrat d'examiner […] », en référence à la décision « Commune de Levallois-Perret » relative à l’articulation des pouvoirs entre le juge de l’exécution et le juge du contrat en matière d’annulation d’un acte détachable d’un contrat administratif (C.E., 9 avril 2010, Commune de Levallois-Perret, n° 309480) .
Sur fond de complexité, c’est finalement par un arrêt fidèle aux prescriptions originelles du Conseil constitutionnel que, plus de dix ans plus tard, la Cour administrative d’appel de Lyon rappelle que le contrat de partenariat reste une formule profondément dérogatoire au droit commun de la commande publique. Beaucoup de praticiens ont vu dans « l’opacité » du critère de la complexité un « fourre-tout » permettant l’accès au contrat de partenariat, quand bien même le projet n’était pas particulièrement complexe (M. Cornille, « Annulation du recours au contrat de partenariat pour le projet « Biarritz-Océan », JCPA, 2014, nos 38-39, comm. n° 2268). L’arrêt de la Cour administrative d’appel de Lyon, en clarifiant la notion de complexité du projet, sonne probablement le glas de cette pratique. A moins que la transposition à venir des directives « marchés » et « concessions » ne vienne rebattre les cartes sur cette question.