Revenu de solidarité active et prise en compte des bénéfices d’une société commerciale

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Décision de justice

CAA Lyon, 6ème chambre – N° 12LY00342 – Département de l’Ardèche / M. S. – 11 octobre 2012 – C+

Juridiction : CAA Lyon

Numéro de la décision : 12LY00342

Numéro Légifrance : CETATEXT000026499461

Date de la décision : 11 octobre 2012

Code de publication : C+

Index

Mots-clés

RSA, Revenus de capitaux mobiliers

Rubriques

Droits sociaux et travail

Résumé

Aucune disposition législative ou réglementaire ne permet, pour déterminer les droits au revenu de solidarité active, de tenir compte des bénéfices non distribués d’une société commerciale dont le demandeur détient des droits sociaux.

Ainsi, la Cour confirme l’illégalité de la décision du président du conseil général de l’Ardèche en ce qu’elle prévoyait la prise en compte de ses revenus de capitaux mobiliers non appréhendés, correspondant à une quote-part des bénéfices de la SA Stries proportionnelle à ses droits dans cette société pour déterminer les droits de l’intéressé au revenu de solidarité active. Toutefois, en application des dispositions des articles R132-1 et R262-6 du code de l’action sociale et des familles, le département devait tenir compte d’une fraction de 3% du montant des capitaux que détient l’intéressé, au nombre desquels figurent ses actions de la société Stries.

Conclusions du rapporteur public

François Pourny

Rapporteur public à la cour administrative d’appel de Lyon

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  • IDREF

DOI : 10.35562/alyoda.6008

Monsieur Joseph A..., né en novembre 1959, exerce depuis 1992 les fonctions de président directeur général de la société S..., dont il est l’actionnaire principal. Il a néanmoins sollicité le bénéfice du revenu minimum d’insertion, pour la période du 1er novembre 2001 au 31 octobre 2003, et il a obtenu du Conseil d’Etat deux décisions le renvoyant devant le président du Conseil général de l’Ardèche pour le calcul de ses droits au titre de cette période. Vous avez au dossier de première instance les décisions n° 294 774 du 29 octobre 2008 et n° 321828 du 7 avril 2010 établissant ce fait.

Entre ces deux décisions, M. A... a sollicité le bénéfice du revenu de solidarité active qui lui a été accordé à compter du mois de juin 2009, en prenant en considération pour le calcul de ses ressources une partie des bénéfices réalisés par la société S..., à hauteur de ses droits dans cette société, alors même que ces bénéfices n’ont pas été distribués. M. A... a contesté la décision du président du conseil général de l’Ardèche en date du 14 décembre 2009 ayant procédé à l’évaluation de ses ressources en formant le recours préalable obligatoire prévu par les dispositions de L. 262-47 du code de l’action sociale et des familles et son recours a été rejeté par une décision du 1er avril 2010.

Il a alors contesté ces deux décisions devant le Tribunal administratif de Lyon en demandant en outre 3 600 euros d’indemnité en réparation de son préjudice moral et 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Ce tribunal a fort logiquement rejeté comme irrecevables les conclusions dirigées contre la décision du 14 décembre 2009, la décision du 1er avril 2010, prise sur recours préalable obligatoire, s’étant substituée à cette décision. Il a ensuite annulé la décision du 1er avril 2010 en tant seulement qu’elle prend en compte des revenus de capitaux mobiliers non appréhendés pour le calcul des droits de l’intéressé et renvoyé l’intéressé devant le président du conseil général de l’Ardèche pour le calcul de ses droits. Enfin, il a rejeté les conclusions indemnitaires présentées pour M. A....

Le département de l’Ardèche a interjeté appel de ce jugement en tant qu’il annule partiellement la décision du 1er avril 2010 et M. A..., admis au bénéfice de l’aide juridictionnelle, a alors présenté des conclusions tendant à la réformation dudit jugement en tant qu’il rejette ses conclusions indemnitaires.

Le jugement attaqué a été notifié à M. A... le 13 décembre 2011 et ses conclusions tendant à la réformation dudit jugement n’ont été enregistrées que le 23 avril 2012, donc après l’expiration du délai d’appel si celui-ci n’a pas été interrompu par une demande d’aide juridictionnelle présentée en temps utile. En l’espèce, vous avez au dossier une demande d’aide juridictionnelle enregistrée pour la première fois le 21 février 2012, donc après expiration du délai d’appel. Les conclusions de M. A... tendant à la réformation du jugement attaqué en tant qu’il rejette sa demande indemnitaire doivent donc être regardées comme des conclusions d’appel incident et, comme elles soulèvent un litige distinct des conclusions d’appel principal, elles sont irrecevables.

En revanche, les conclusions d’appel principal du département ont bien été enregistrées dans le délai d’appel. Il convient donc de les examiner.

Le département soutient, en premier lieu, que c’est à tort que les premiers juges ont considéré qu’il ne pouvait pas inclure dans les revenus professionnels de M. A... les dividendes qu’il tire des bénéfices de la société S.... Dès lors qu’elle est liée à la détention d’une partie du capital de l’entreprise et non à l’exercice d’une activité professionnelle, nous serions enclins à suivre sur ce point la position des premiers juges, en considérant que les dividendes perçus ne sont pas des revenus professionnels, même s’ils doivent incontestablement être pris en compte en tant que revenus procurés par des biens mobiliers pour l’appréciation des ressources de l’intéressé mais, en tout état de cause, cette question est sans incidence dans le présent litige, puisque M. A... n’a pas perçu de dividendes de la société S....

Le département soutient, en deuxième lieu, que c’est à tort que les premiers juges ont estimé qu’il ne pouvait pas se fonder sur des revenus professionnels non perçus, le revenu de solidarité active n’ayant pas pour objet de tenir lieu de substitut à une absence de revenus résultant d’un choix personnel de la personne qui en sollicite le bénéfice. Il n’en demeure pas moins qu’en l’absence de dispositions en prévoyant l’application pour la détermination des droits au revenu de solidarité active, les notions d’acte anormal de gestion et de revenus réputés distribués, couramment utilisées en droit fiscal, ne peuvent être appliquées en la matière. Un chef d’entreprise peut donc renoncer à percevoir une rémunération pour ses fonctions et renoncer à verser des dividendes aux actionnaires de l’entreprise sans perdre le bénéfice du revenu de solidarité active si le montant de ses ressources lui ouvre droit à la perception de ce revenu. Encore convient-il de relever qu’il résulte des dispositions de l’article L262-3 du code de l’action sociale et des familles que l’ensemble des ressources du foyer doit être pris en compte et que l’article R262-6 du même code prévoit la prise en compte des revenus procurés par les biens immobiliers et mobiliers et par les capitaux, en rendant les dispositions de l’article R132-1 dudit code applicables au revenu de solidarité active. Ce dernier article dispose que les biens non productifs de revenu sont considérés comme procurant un revenu annuel égal à 50 % de leur valeur locative s’il s’agit d’immeubles bâtis, à 80 % de cette valeur s’il s’agit de terrains non bâtis et à 3 % du montant des capitaux. Dès lors, s’il ne peut être tenu compte des résultats de l’entreprise qui ne sont pas appréhendés sous forme de rémunération du travail ou du capital par un chef d’entreprise, il doit être tenu compte de la valeur de sa participation au capital de l’entreprise, laquelle devrait logiquement s’accroître si cette dernière accumule les résultats positifs sans procéder à la moindre distribution de dividendes durant plusieurs années.

Par suite, si le département ne nous paraît pas fondé à soutenir que c’est à tort que les premiers juges ont considéré que les résultats de l’entreprise ne pouvaient pas être regardés comme des revenus d’activité professionnelle de M. A..., il nous paraît fondé à soutenir qu’il doit être tenu compte de la participation de ce dernier dans le capital de l’entreprise pour l’évaluation de ses revenus.

Les conclusions présentées au titre de l’article L761-1 du code de justice administrative par M. A... ne pourront donc qu’être rejetées, si vous nous suivez, et dans les circonstances de l’espèce nous vous proposons de rejeter les conclusions présentées au même titre pour le département de l’Ardèche.

Par ces motifs, nous concluons à la réformation du jugement attaqué, les mots « en tant qu’elle prend en compte des revenus de capitaux mobiliers non appréhendés » étant remplacés par les mots « en tant qu’elle évalue les revenus retirés par M. A... de sa participation au capital de la société S... dans des conditions différentes de celles résultant de l’application des dispositions de l’article R132-1 du code de l’action sociale et des familles. » et au rejet du surplus des conclusions des parties.

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