L’abrogation d’un acte non réglementaire non créateur de droits peut intervenir à tout moment, malgré la période d’urgence sanitaire, alors que son retrait, si l’acte est illégal, doit respecter la suspension des délais prévue par l’ordonnance du 25 mars 2020.
Un particulier a contesté, devant le tribunal administratif de Lyon, un arrêté municipal du 29 novembre 2019 portant refus de sa demande de permis de construire, ainsi que le rejet implicite du recours gracieux qu’il avait introduit ultérieurement. En cours d’instance, l’état d’urgence sanitaire a été déclenché et a eu pour effet, notamment, de suspendre le délai de 4 mois auquel est soumis le retrait d’un acte non créateur de droits – c’est-à-dire ici, le refus du permis de construire. Une fois l’état d’urgence terminé, les délais ont repris leur cours normalement. Le maire concerné a finalement pris un arrêté en date du 21 août 2020 retirant l’acte et opposant au requérant un sursis à statuer. Le requérant est venu attaquer ce nouvel acte devant le tribunal administratif par une seconde demande. Le tribunal administratif de Lyon a joint les deux demandes et a prononcé un non-lieu à statuer pour la première ainsi qu’un rejet pour la seconde. Le requérant relève appel de ce jugement.
Selon l’article L. 240-1 du Code des relations entre le public et l’administration (CRPA), la sortie de vigueur d’un acte administratif résulte soit de son abrogation, qui est sa « disparition juridique pour l’avenir », soit de son retrait qui est sa « disparition pour l’avenir comme pour le passé ». L’enjeu n’est pas le même, et les exigences procédurales non plus, d’autant plus lorsqu’il s’agit d’actes non créateurs de droits pour les personnes. Cet arrêt, venant témoigner de cette situation juridique, apporte des précisions importantes et inédites concernant l’application de l’ordonnance du 25 mars 2020 aux délais de retrait et d’abrogation d’actes non créateurs de droit.
Les refus d’autorisation d’urbanisme étant des actes non créateurs de droit, il convient d’appliquer l’article L. 243-3 du CRPA qui dispose que « l’administration ne peut retirer [ce type d’acte] que s’il est illégal et si le retrait intervient dans le délai de quatre mois suivant son édiction ». Ces dispositions reviennent sur la jurisprudence Association Unimate 651 qui affirmait que l’administration était en capacité de retirer un acte non créateur de droit pour des raisons étrangères à son illégalité, telles que des raisons d’opportunités.
Cependant, en vertu de l’ordonnance du 25 mars 20202, qui a prorogé les délais échus pendant la période d’urgence sanitaire, le retrait d’un refus de permis de construire ne constitue pas un acte prescrit par la loi ou le règlement au sens de l’article 2 du même texte. En effet, le retrait de cet acte relève des dispositions de son article 7, qui prévoit une suspension des délais pendant la période comprise entre le 12 mars et le 23 juin 2020. En découle, dans les faits, que si le maire avait en principe jusqu’au 29 mars 2020 pour retirer l’acte effectivement illégal, le délai s’étendait finalement jusqu’au 10 juillet 2020 à minuit. Le retrait de l’arrêté refusant le permis de construire étant intervenu le 21 août 2020, celui-ci est illégal. L’arrêté du 21 août 2020 prononçant ce retrait est donc annulé pour ce motif. De plus, si le retrait avait été réalisé dans les délais, il aurait été considéré comme étant régulier, puisque l’acte était effectivement illégal. En effet, le maire ne pouvait pas opposer une décision de refus de permis de construire puisque le terrain d’assiette du projet se situe dans une partie urbanisée de la commune, conformément à l’article L. 111-3 du Code de l’urbanisme.
Par ailleurs, la cour a jugé que « l’autorité compétente pouvait, en cours d’instance et sans méconnaître les disposition de l’article L. 600-2 du code de l’urbanisme ni entacher sa décision de détournement de pouvoir, retirer la décision de refus de permis de construire pour prendre une décision de sursis à statuer », contrairement à ce qui était allégué par le requérant. De plus, l’article L. 243-1 du CRPA pose qu’un « acte non réglementaire non créateur de droits peut, pour tout motif et sans condition de délai, être modifié ou abrogé ». Ainsi, l’arrêté du 21 août 2020 prononce, en plus du retrait, un sursis à statuer sur la demande de permis de construire. Pour la cour, ce sursis doit donc être regardé comme abrogeant, « implicitement mais nécessairement », le refus de permis, ce qui pouvait être fait pour tout motif et sans condition de délai même pendant l’état d’urgence. De plus, pour la cour, ce sursis à statuer opposé à la demande de permis de construire « ne rend pas sans objet le recours dirigé contre un arrêté de refus de permis de construire, qu’il a seulement pour effet d'abroger, alors que le refus a reçu une entière exécution pendant la durée de sa validité ». Pour cette raison, elle annule le jugement du tribunal administratif prononçant le non-lieu à statuer sur les conclusions dirigées contre le refus de permis de construire et conclut donc à la légalité de l’arrêté opposant la décision de sursis à statuer sur la demande de permis de construire du requérant.
Il convient de préciser, pour conclure, que si l’administration ne peut retirer un acte non créateur de droits que s’il est illégal (dans le respect du délai de quatre mois)3, elle est tenue de l’abroger s’il est devenu illégal4. S’il est illégal dès l’origine, comme c’est le cas en l’espèce, il n’y a pas d’obligation d’abrogation. Le seul recours possible est le recours pour excès de pouvoir.