Comment êtes-vous devenue directrice des affaires juridiques de la ville de Lyon ? Pourriez-vous revenir sur votre parcours ?
Après une année d’hypocagne, j’ai intégré l’Institut d’études politiques de Lyon puis j’ai enchaîné avec une maîtrise de droit public. J’ai réussi le concours d’attaché territorial, puis j’ai passé les différents examens professionnels y afférents.
J’ai occupé plusieurs postes, dans différentes collectivités : d’abord à la ville de Gueugnon comme responsable du service population, puis conseil départemental de l’Allier en tant que responsable du service juridique. Ensuite j’ai intégré un service départemental d’incendie et de secours (SDIS) : je suis devenue directrice administrative et financière du SDIS de la Haute-Loire, puis directrice des affaires juridiques – assemblées, assurances, documentation, archives du SDIS du Nord. J’ai rejoint la ville de Lyon, en 2019, où j’exerce les fonctions de directrice des affaires juridiques. Mon parcours montre qu’un juriste peut travailler dans plusieurs secteurs : données à caractère personnel, assurances, service des assemblées, service juridique RH, juriste de proximité, syndicat d’énergies …
Pouvez-vous nous présenter l’organisation de la DAJ et ses missions ?
La DAJ appartient à la délégation ressources de la ville. Il convient de souligner deux particularités concernant la ville de Lyon. D’abord, au sein de la collectivité, la fonction juridique est éclatée car chaque délégation a ses propres juristes de proximité. Ils gèrent un premier niveau d’intervention. La DAJ est la « seconde ligne de défense ». Ensuite, Lyon est la ville centre d’une métropole à statut particulier, et c’est une ville PLM, avec des arrondissements. Ceci entraine deux conséquences. D’une part, la DAJ anime le réseau des juristes internes de la ville : les juristes DAJ assurent des formations ; la DAJ fait également appel au CNFPT pour un séminaire d’une journée. D’autre part, la DAJ participe et anime également le réseau des juristes métropolitains.
La DAJ est composée de 13 agents : 10 juristes, une cellule administrative et financière de 3 personnes ; Pour les juristes, la moitié sont des juristes territoriaux, l’autre moitié sont des avocats. Le profil des juristes est varié : 2 anciens avocats en urbanisme, 1 juriste, qui a également été avocat (urbanisme et droit pénal).
La DAJ exerce trois missions : le conseil aux services (235 avis juridiques en 2022) ; le traitement du contentieux (stock de 263 contentieux), internalisé à 85 % ; les rapports au conseil (pré-contrôle de légalité).
Quelle est la part qu’occupe le traitement des litiges portés au contentieux au sein de l’activité globale de la DAJ ? Sur quels domaines portent ces contentieux ?
Le contentieux représente environ 60 % de notre activité et porte sur deux thèmes principaux : ressources humaines (RH) et urbanisme (permis de construire et déclarations préalables de travaux). La ville traite tout type de contentieux, administratif ou judiciaire : réitération d’une vente, expulsion, responsabilité pénale de la ville, etc. La ville est en défense dans 95 % des situations. Un exemple où la ville a engagé une action : le changement d’usage – réglementation Airbnb.
Comment est traité le contentieux ? Par les juristes de la DAJ ? Est-il souvent fait appel à des avocats ? Est-ce que le juriste de la DAJ est souvent amené à se rendre au palais des juridictions administratives ?
Chaque juriste a un portefeuille de dossiers : AJ et contentieux. Il gère, en toute autonomie, son portefeuille : analyse de la requête, des moyens, saisine du service opérationnel pour avoir les éléments : faits, pièces… Le juriste rédige le mémoire en réponse, il défend la ville au tribunal administratif (TA) ; il plaide. Nous faisons appel à un cabinet d’avocats, soit pour des sujets sensibles (par exemple : pour le contentieux, devant le tribunal judiciaire, lié à la réglementation relative au changement d’usage des locaux d’habitation, ou encore pour référé précontractuel du complexe Kennedy), soit parfois pour des contentieux sériels.
S’agissant du « contentieux de demain », pourriez-vous identifier des perspectives d’évolution, des changements qui seraient en cours, des grandes tendances ? Je pense notamment, s’agissant du traitement des litiges, du recours à la médiation.
Il est difficile de décrypter les contentieux de demain. Néanmoins, des indicateurs peuvent être donnés. On voit se multiplier des sujets « politiques », c’est-à-dire intéressant la vie de la cité : changement d’usage des locaux d’habitation, antennes relais, marchands de sommeil…
S’il n’y pas de contentieux pour le moment, certaines problématiques émergent ou prennent davantage d’importance, s’agissant des relations avec les usagers : accès aux documents administratifs, respect du RGPD, protection contre les cyberattaques, lutte contre les discriminations…
La DAJ, pour l’instant, n’est pas dans la médiation. En revanche, pour la médiation préalable obligatoire en matière de ressources humaines (RH), un binôme juriste DAJ/juriste RH est imaginé pour suivre la médiation et le contentieux.
Et sur le fond, peut-on percevoir des changements concernant l’objet des litiges ? des questions nouvelles qui se posent, des sujets nouveaux sur lesquels vous travaillez à la DAJ ?
On peut évoquer, par exemple, les actions en responsabilité contre l’État et les collectivités pour inaction s’agissant de la mise en œuvre de mesures contre la pollution atmosphérique. Il a également été demandé à la DAJ de rédiger une consultation juridique portant sur la personnalité juridique des fleuves.
Quel est la place qu’occupe le numérique ? Est-ce que la DAJ traite des sujets liés à la dématérialisation des procédures et au recours aux algorithmes ?
La DAJ n’a pas jusqu’à présent géré de sujets portant sur le numérique, le recours aux algorithmes
Pour conclure, pourriez-vous dresser le portrait du juriste en collectivité de demain ?
Le juriste est en quelque sorte un « couteau suisse » au sein d’une organisation. Le droit permet de donner une grille de lecture et d’analyse des situations. Il permet également de se projeter, d’anticiper, d’envisager les différentes options, divers scenarii.
Au sein de la ville de Lyon, avec la mise en place d’une nouvelle gouvernance entre le niveau central et les arrondissements, le juriste entre dans l’univers de la régulation, au sens littéral et non juridique : « le fait d’assurer le fonctionnement correct d’un système complexe ».