M.X. est propriétaire d’une maison située à Y., commune appartenant à la communauté d’agglomération du pays voironnais laquelle gère en régie directe le réseau d’eau et d’assainissement.
Le 10 mars 2016, le service « eau et assainissement » a localisé une fuite importante au niveau de la propriété privée de M.X..
Le 15 mars 2016, ce dernier a signé une demande de travaux pour un montant approximatif hors taxes de 800 euros.
La communauté d’agglomération du pays voironnais a procédé à la réparation du branchement en amont de son compteur et a émis à son encontre une facture de 819,25 euros, que le requérant a payée le 31 mai 2016. Par un courrier du 23 avril 2019, l’intéressé a contesté cette facture en faisant valoir que cette fuite avait eu lieu en amont de son compteur. Dans ce courrier, le requérant convenait qu’en application de l’article 1. 2 du règlement du service public d’alimentation en eau potable de la communauté d’agglomération, le service de l’eau est propriétaire des installations de distribution jusqu’au point de fourniture, constitué par le compteur individuel pour les constructions individuelles ou le compteur général dans le cas des constructions collectives.
En l’absence d’un de ces compteurs, le règlement prévoit que le point de fourniture est situé au terme du premier mètre linéaire de la canalisation du branchement situé en domaine privé
En l’espèce, la propriété de M.X. s’implante au sein d’un lotissement dont la voie d’accès est privée, sous laquelle passent les réseaux de distribution d’eau. Il est constant que le dommage s’est produit sur une partie de la canalisation située dans le lotissement, en amont de son compteur individuel.
M.X. estime qu’il s’agit d’une clause abusive, de même que l’article 18 qui prévoit notamment que dans le cas de constructions collectives verticales ou horizontales non équipées de compteurs généraux ou de contrôle, les colonnes montantes et les conduites intérieures, reliant le branchement de la construction collective aux installations intérieures des occupants, ne sont pas des ouvrages publics et ne font pas partie des branchements.
L’intéressé considère donc qu’il revient à la collectivité d’abroger ces clauses et de prendre en charge les travaux.
En l’absence de réponse de la communauté d’agglomération, M.X. a saisi le tribunal administratif de Grenoble qui a rejeté sa demande par jugement du 24 juin 2021.
Les premiers juges ont estimé que le juge administratif était incompétent pour examiner les conclusions indemnitaires et, s’agissant des clauses elles-mêmes, qu’elles n’étaient pas abusives.
M.X. interjette appel de ce jugement.
Vous pourrez confirmer le tribunal en ce qu’il s’est déclaré incompétent pour statuer sur la partie indemnitaire du litige. En effet, eu égard aux rapports de droit privé qui lient le service public industriel et commercial de distribution d’eau potable à l’usager, il n’appartient qu’à la juridiction judiciaire de connaître des dommages causés à ce dernier à l’occasion de la fourniture de la prestation due par le service, alors même que ces dommages trouvent leur origine dans un incident survenu en amont du branchement particulier. (TC 18 juin 2007, société SNVB et compagnie d'assurances GAN, n° C3525, A).
En ce qui concerne les clauses du contrat en revanche, l’hésitation est permise quant à la compétence du juge administratif pour y statuer dans le cadre d’un recours pour excès de pouvoir classique.
La seule argumentation soulevée à l’encontre de ces clauses est la législation sur les clauses abusives.
Il a été jugé que les clauses d’un contrat d’abonnement relatives à l’entretien et la propriété des branchements sont des clauses réglementaires qui peuvent faire l’objet d’un REP en application de la jurisprudence du CE, Assemblée, 10 juillet 1996, n° 138536, A et que de telles clauses sont soumises à la législation des clauses abusives telle qu'elle résulte de l'article L. 132-1 du code de la consommation (CE 11 juillet 2011, société des eaux du Nord, n° 221458, A avec les conclusions éclairantes de Mme Bergeal). Cette même décision a précisé que le caractère abusif d'une clause s'apprécie non seulement au regard de cette clause elle-même mais aussi compte tenu de l'ensemble des stipulations du contrat et, lorsque celui-ci a pour objet l'exécution d'un service public, des caractéristiques particulières de ce service.
Dans cet arrêt, le Conseil d’Etat avait à connaître d’une clause prévoyant que le service des eaux prendrait à sa charge les seuls frais de réparation directe du branchement. Le client abonné avait quant à lui à sa charge toutes les conséquences dommageables pouvant résulter de l'existence et du fonctionnement de ces parties du branchement, sauf s'il apparaissait une faute du service des eaux.
Le Conseil d’Etat a estimé que cette clause était abusive en tant qu’elle pouvait conduire à faire supporter par un usager les conséquences de dommages qui ne lui seraient pas imputables sans pour autant qu'il lui soit possible d'établir une faute de l'exploitant. En lisant les conclusions de la commissaire du gouvernement, on constate que ce qui a amené le Conseil d’Etat à juger cela tenait à ce que, dans l’hypothèse où il était allégué par le service des eaux que le dommage provenait d’un cas fortuit, le contrat prévoyait par ailleurs que l’abonné ne pouvait, en aucun cas, toucher à son branchement et qu’il n’était donc pas à même de vérifier la qualité des travaux faits par le concessionnaire et encore moins la faute qu’aurait pu commettre celui-ci dans cet entretien, faute que pourtant la clause attaquée lui demande de prouver.
Dans un arrêt plus récent CE, Section, 30 décembre 2015, n° 387666, société des eaux de Marseille, B, la haute juridiction a estimé qu’un règlement des abonnements du service de l'eau prévoyant que « l'abonné n'est jamais fondé à solliciter une réduction de consommation en raison de fuites dans ses installations intérieures car il a toujours la possibilité de contrôler lui-même la consommation indiquée par son compteur. » était abusif en ce qu’il avait pour effet d’exonérer de toute responsabilité le service des eaux dans le cas où une fuite dans les installations intérieures de l'abonné résulterait d'une faute commise par ce service.
On voit donc, en résumé, que la circonstance que la responsabilité des désordres affectant le réseau dans sa partie privative soit à la charge du particulier n’est pas, par elle-même, abusive. Une telle clause ne devient abusive que si le contrat fait, dans son ensemble, obstacle à ce que le particulier soit en mesure d’opposer utilement une faute du gestionnaire du réseau.
Dans ces deux espèces, le Conseil d’Etat statuait sur renvoi préjudiciel d’une juridiction judiciaire.
On pourrait se demander s’il est vraiment possible d’invoquer un moyen tiré du caractère abusif d’une clause dans le cadre d’un recours pour excès de pouvoir classique.
En effet, l’invocation d’une clause abusive n’a réellement de sens que dans le cadre d’un procès impliquant l’application de ces clauses et en outre, votre office est en principe de les déclarer non écrite, ce qui est une notion propre au droit de la consommation.
Dans cette optique, on pourrait considérer qu’il convient de vous déclarer entièrement incompétent pour laisser le soin au juge judiciaire de vous saisir, le cas échéant, d’une question préjudicielle
Néanmoins, cette solution, qui aurait le mérite d’une certaine orthodoxie, ne nous paraît pas la meilleure en terme de bonne administration de la justice. Il nous parait en effet peu opportun de se déclarer incompétent, ce qui aura pour effet de relancer une nouvelle saisine du tribunal administratif sur la même question lorsque celui-ci sera saisi d’une question préjudicielle.
De plus, même si la notion de clause réputée non écrite est étrangère au régime classique de l’excès de pouvoir, sa conséquence est concrètement similaire à celle de l’annulation partielle, voire « en tant que » d’une clause réglementaire. Après réflexion, le fait de déclarer une clause abusive in abstracto ne paraît pas poser de problème et c’est d’ailleurs bien ce qu’a fait le Conseil d’Etat dans les décisions précitées même si elles étaient rendues, comme nous l’avons dit, dans le cadre de questions préjudicielles.
Notons que notre cas de figure n’a vocation à s’appliquer que dans le cas où, comme en l’espèce, la tardiveté n’est pas invoquée et ne ressort pas des pièces du dossier. On peut supposer que la majorité des recours pour excès de pouvoir de ce type ont vocation à être rejetés pour tardiveté, la contestation par voie d’exception dans le cadre d’un contentieux indemnitaire paraissant à tous points de vue une voie plus naturelle d’application de la législation des clauses abusives aux clauses réglementaires d’un contrat de distribution d’eau.
Examinons donc maintenant le fonds du litige, qui ne vous retiendra pas longtemps.
Dans notre espèce, le requérant paraît se borner à contester que la responsabilité repose en principe sur lui pour la partie privative située en amont de son compteur.
Il se prévaut de la décision de section sieur Gladieu du 22 janvier 1960, recueil CE 19630 P.52 qui a qualifié d’ouvrage public le raccordement particulier à un réseau d’eau. Mais, comme l’illustrent les décisions précitées, cela ne fait pas obstacle à ce qu’un règlement mette à la charge du particulier la réparation des désordres en affectant la partie privative.
Une telle clause n’est pas par elle-même abusive. Il nous paraît en effet nécessaire, lorsque l’intéressé n’a pas installé de compteur, de prévoir un critère de délimitation entre la partie publique et la partie privative et le critère employé en l’espèce ne nous paraît pas désavantager excessivement le particulier.
Notons que l’intéressé ne conteste pas le régime de responsabilité contractuel, qui est fixé par l’article 21, et qui dispose que : « Le Service de l’Eau du Pays Voironnais est responsable des dommages pouvant résulter du fonctionnement des éléments des branchements dont il est propriétaire dans les cas suivants:
- lorsque le dommage a été produit par la partie du branchement située dans le domaine public;
- lorsque le Service de l’Eau du Pays Voironnais a été informé d’une fuite ou d’une autre anomalie de fonctionnement concernant la partie du branchement située dans les propriétés privées et qu’il n’est pas intervenu dans un délai raisonnable. Dans ce cas, l’abonné doit mettre tous les moyens en œuvre pour permettre au Service de l’Eau du Pays Voironnais d’accéder et d’intervenir sans danger pour interrompre la fuite. »
On pourrait s’interroger sur la question de savoir si les cas dans lesquels la communauté de commune admet sa responsabilité sont suffisamment larges au regard des règles relatives aux clauses abusives. Mais comme nous l’avons dit, cet article n’est pas directement contesté et, au demeurant, sans trop empiéter sur ce qui relève de la compétence du juge judiciaire, on peut constater que l’intéressé n’invoque pas de faute du gestionnaire dans l’entretien du réseau.
Par ailleurs, s’agissant de la régularité du jugement, la circonstance qu’il n’ait pas été lu en audience publique est conforme à la nouvelle rédaction de l’article R. 741-1 du code de justice administrative, issue du décret n° 2020-1404 du 18 novembre 2020. Cette réglementation n’est pas incompatible avec l’article 6 § 1 de la CESDH, la Cour européenne des droits de l’homme n’ayant pas opté pour une interprétation littérale des mots « rendu publiquement », et jugeant que l’inscription du jugement au greffe du tribunal et sa publication dans les recueils officiels est suffisante (Sutter c. Suisse, 1984, § 33 et § 34)
Par ces motifs, nous concluons au rejet de la requête.