Prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine pour des agents d'une organisation internationale

Décision de justice

CAA Lyon, 2ème chambre – N° 17LY03756 – 04 juin 2019 – C+

Arrêt confirmé en cassation : voir CE - N° 432985 - 9 septembre 2020 - B

Juridiction : CAA Lyon

Numéro de la décision : 17LY03756

Date de la décision : 04 juin 2019

Code de publication : C+

Index

Mots-clés

Revenus du patrimoine, Cotisations sociales, Organisation internationale, Agents du CERN, Libre circulation des personnes, Libre circulation des travailleurs, Règlement CE n°883/2004 du 29avril 2004, Article 45 du TFUE

Rubriques

Fiscalité

Résumé

Le Conseil d’Etat juge que l'adoption d'actes de droit dérivé dans le domaine de la sécurité sociale, prévue par l'article 48 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, ne fait pas obstacle à ce qu'un ressortissant de l'Union travaillant pour le compte d'une organisation internationale dans un Etat membre autre que son Etat d'origine et contribuant au régime de protection sociale propre à l'organisation dont il relève, puisse invoquer la libre circulation des travailleurs posée à l'article 45 du Traité, notamment lorsqu'il n'entre pas dans le champ des actes de droit dérivé en cause, en l'espèce le règlement (CE) n° 883/2004 du 29 avril 2004.

Si l'article 45 du Traité ne saurait garantir à un assuré qu'un déplacement dans un autre Etat membre soit neutre en matière de sécurité sociale, compte tenu des disparités existant entre les régimes et les législations des États membres, un tel déplacement pouvant, selon les cas, être plus ou moins avantageux ou désavantageux pour le travailleur sur le plan de la protection sociale, une réglementation nationale n'est toutefois conforme au droit de l'Union, dans le cas où son application est moins favorable, que pour autant que, notamment, cette réglementation nationale ne désavantage pas le travailleur concerné par rapport à ceux qui exercent la totalité de leurs activités dans l'Etat membre où elle s'applique et qu'elle ne le conduit pas purement et simplement à verser des cotisations sociales à fonds perdus. N'est donc pas conforme au droit de l'Union, et constitue une entrave à la libre circulation des travailleurs, une réglementation nationale qui a pour effet que le travailleur migrant contribue non seulement au financement du régime de sécurité sociale auquel il est affilié, mais aussi au financement d'un régime de sécurité sociale auquel il n'est pas affilié et qui ne peut donc lui procurer aucun bénéfice, et verse ainsi des contributions à fonds perdus au financement d'un régime national de sécurité sociale dont il ne relève pas.

En l’espèce, il s’agit d’un ressortissant italien et de son épouse résidant en France, fonctionnaires à la retraite anciennement employés au CERN (Organisation européenne pour la recherche nucléaire), situé à Genève.

La contribution sociale généralisée (CSG), la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS), prélèvement social, et la contribution additionnelle à ce prélèvement étaient en 2014 affectés au financement du régime français de sécurité sociale.

L'obligation faite aux contribuables d'acquitter ces contributions les a conduits à contribuer sans contrepartie au financement du régime de sécurité sociale français, alors qu'ils étaient affiliés au régime de sécurité sociale du CERN. Une telle obligation constitue une entrave injustifiée à l'exercice de la liberté garantie par l'article 45 du Traité.

La circonstance que ces contributions s'appliquent indépendamment du fait qu'un citoyen de l'Union ait exercé ou non sa liberté de circulation des travailleurs ne fait pas obstacle à ce qu'il soit fait droit à la demande de décharge des contribuables dès lors que l'article 45 du Traité prohibe un désavantage, pour les travailleurs ayant exercé la liberté que cette disposition leur reconnaît, par rapport aux travailleurs qui, n'ayant pas fait usage de leur liberté de circulation, exercent la totalité de leurs activités en France et sont ainsi seulement astreints à financer le régime de sécurité sociale français dont ils bénéficient.

Le prélèvement de solidarité fixé par le IV de l'article 1600-0 S du CGI était, en 2014, affecté à des fonds finançant des prestations correspondant à des prestations d'assistance ou ne pouvant être regardées comme relevant d'une branche de sécurité sociale. Par suite, la soumission des revenus perçus au prélèvement de solidarité ne conduisait pas les contribuables à financer un régime de sécurité sociale auquel ils n'étaient pas affiliés et qui ne pouvait donc leur procurer aucun bénéfice, et ainsi à verser des contributions à fonds perdus au financement d'un régime national de sécurité sociale dont ils ne relevaient pas, de sorte que l'obligation dans laquelle ils se trouvaient d'acquitter ce prélèvement ne méconnaissait pas les obligations découlant de l'article 45.

15-05-01-01-01, Communautés européennes et Union européenne, Libre circulation des personnes, Libre circulation des travailleurs, Cotisations sociales, Ressortissant de l'Union travaillant dans un Etat membre autre que son Etat d'origine pour le compte d'une organisation internationale disposant de son propre régime de sécurité sociale et ne relevant pas du champ du règlement du 29 avril 2004, Article 45 du TFUE, Invocabilité, Prohibition des contributions à fonds perdus, Assujettissement à la CSG, à la CRDS, Assujettissement au prélèvement de solidarité, Article IV de l'article 1600 0 S du CGI.

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