La cour administrative d’appel de Lyon tire les conséquences, en matière de compétence, de la réforme opérée par la loi de finances pour 2010 en transmettant au Conseil d’Etat les conclusions de la société requérante tendant à la décharge de la taxe sur les surfaces commerciales (TASCOM) au titre des années 2011 et 2012, mais se prononce sur celles déposées au titre de l’année 2010 en précisant la surface de vente à retenir pour le calcul de la TASCOM.
La TASCOM, taxe sur les surfaces commerciales instituée par l'article 3 de la loi du 13 juillet 1972, est « assise sur la surface de vente des magasins de commerce de détail, dès lors qu'elle dépasse 400 mètres carrés des établissements ouverts à partir du 1er janvier 1960 ». Pour contester la décision de l’administration qui considère la société requérante, à la suite d’une vérification de comptabilité, redevable de la TASCOM au titre des années 2010, 2011 et 2012, cette dernière invoque un certificat de mesurage établi par un géomètre expert, le 4 juin 2013, indiquant que la surface de vente à prendre en considération s'élève à 397 mètres carrés. A la suite du jugement du tribunal administratif de Dijon du 9 février 2017 rejetant sa demande, la société interjette appel devant la cour administrative d’appel de Lyon qui doit, avant d’examiner le bienfondé de la demande, se prononcer sur sa compétence.
Sur la compétence de la cour administrative d’appel de Lyon au titre de la TASCOM des années 2011 et 2012.
Les produits de la TASCOM ont été transférés par la loi de finances pour 2010 du budget de l’Etat à celui des communes et des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre. Ce transfert, qui ne vaut que pour les impositions dues au titre des années 2011 et postérieures, a une importance significative sur le plan procédural puisque l’article R. 811-1 du Code de justice administrative (CJA) indique que sont insusceptibles d’appel les décisions des tribunaux administratifs « sur les litiges relatifs aux impôts locaux et à la contribution à l'audiovisuel public, à l'exception des litiges relatifs à la contribution économique territoriale ».
Pour déterminer si on est en présence d’un impôt local, le Conseil d’Etat, dans une décision du 29 novembre 2017 Société Valnor (n° 409248), affirme que l’élément déterminant est l’affectation des produits de l’impôt en cause. Le juge d’appel lyonnais rappelle cette règle en assurant que : « doit être regardé comme un impôt local tout impôt dont le produit, pour l'année d'imposition en cause, est majoritairement affecté aux collectivités territoriales, à leurs groupements ou aux établissements publics qui en dépendent » (considérant n° 3). Tel est le cas par exemple de la taxe sur les déchets réceptionnés dans une installation de stockage ou d'incinération de déchets ménagers et assimilés (Conseil d’Etat, 29 novembre 2017, Société Valnor, n° 409248) . C’est aussi le cas de la TASCOM depuis la loi de finances pour 2010 précitée et comme l’affirme le Conseil d’Etat dans une décision du 2 juin 2017 n° 405595 SARL Privilège Automobiles. Sans surprise, la cour administrative d’appel de Lyon considère donc que : « les conclusions de la SARL Chalon Motos dirigées contre le jugement du tribunal administratif de Dijon du 9 février 2017 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la décharge des droits de taxe sur les surfaces commerciales auxquels elle a été assujettie au titre des années 2011 et 2012 ainsi que des pénalités correspondantes ressortissent à la compétence du Conseil d'État, auquel il y a lieu de les transmettre » (considérant n° 5) . Quant à la TASCOM de 2010, le juge d’appel lyonnais est compétent pour en examiner le bien-fondé.
Sur le bien-fondé de la demande de la société requérante au titre de la TASCOM de 2010.
La société requérante a reproché à l’administration d’avoir rajouté à la surface des 397 mètres carrés établie par le géomètre, « celles de 5, 30 et de 9, 10 mètres carrés déterminées par ce géomètre et correspondant, respectivement, à une banque d'accueil et de secrétariat ainsi qu'à des éléments de structure du magasin qui serviraient d'ancrage à différents éléments » (considérant n° 7). Selon l’article 3 de la loi du 13 juillet 1972 précitée, la surface de vente prise en compte pour le calcul de la TASCOM correspond aux « espaces affectés à la circulation de la clientèle pour effectuer ses achats, de ceux affectés à l'exposition des marchandises proposées à la vente, à leur paiement, et de ceux affectés à la circulation du personnel pour présenter les marchandises à la vente. / La surface de vente des magasins de commerce de détail prise en compte pour le calcul de la taxe ne comprend que la partie close et couverte de ces magasins ». Pour autant, le juge administratif a développé une appréciation large des « espaces affectés à la circulation de la clientèle ». La cour administrative d’appel de Douai a ainsi pu considérer, dans un arrêt du 13 mars 2018 n° 18DA00988, SA Neubauer, qu’un « espace mise en main » situé dans le même hall que la zone d’exposition des véhicules proposés à la vente ainsi qu’un espace de livraison constituaient des espaces affectés à la circulation de la clientèle pour effectuer ses achats alors même que ces zones ne contribuaient pas directement à la promotion commerciale de la société. Dans le même sens, la cour administrative d’appel de Lyon a dû se prononcer, dans un arrêt du 28 septembre 2017, n° 16LY02025, SAS Garage Fourel, sur la superficie d’une aire de livraison des véhicules neufs qui était fermée, délimitée par rapport au reste de la concession et les véhicules qui s’y trouvaient étaient fermés à clef avec l’indication qu’ils étaient vendus. Pour autant, le juge d’appel lyonnais a considéré que la surface en cause devait être prise en compte pour déterminer l’assujettissement de la société à la TASCOM car « les documents, et notamment les photographies, produits par la société requérante ne permettent pas d'établir que ces espaces de livraison ne seraient pas accessibles à l'ensemble de la clientèle pour effectuer ses achats, alors qu'ils sont intégrés à l'espace d'exposition des véhicules ».
Dans l’arrêt ici commenté, les espaces litigieux correspondent à « une banque d'accueil et de secrétariat ainsi qu'à des éléments de structure du magasin qui serviraient d'ancrage à différents éléments » (considérant n° 7). Concernant l’emprise au sol de la « banque d’accueil et de secrétariat », le juge d’appel lyonnais considère que « cette zone ne constitue pas un espace clos séparé de manière permanente de la zone d'exposition des marchandises. Cet espace n'est pas fermé à la clientèle qui peut venir y prendre des informations diverses sur les produits commercialisés » (considérant n° 8). Par conséquent, l’espace en cause ne peut pas être exclu de l’assujettissement à la TASCOM. Quant aux divers éléments de structure du magasin servant d'ancrage, la Cour considère que « pour déterminer la surface de vente comprise dans l'assiette de la taxe sur les surfaces commerciales, il convient de retenir la surface mesurée à partir du nu intérieur des murs » (considérant n° 9). Cette surface inclut donc l'épaisseur des plinthes et des bordures mais pas celle correspondant à l’emprise au sol des poutres verticales, excluant ainsi de l’assujettissement de la TASCOM une surface cumulée de 0, 49 mètre carré (considérant n° 11). Pour le reste, « la surface devant être prise en compte pour le calcul de la taxe sur les surfaces commerciales due par SARL Chalon Motos s'élève à 410, 91 m² (397 + 5, 30 + 9, 10 - 0, 49) » (considérant n° 10).
En définitive, la cour administrative d’appel de Lyon adopte un raisonnement méthodique en deux temps en rejetant sa compétence pour la TASCOM de 2011 et 2012 et en réduisant de 0, 49 mètre carré la surface de vente à retenir pour le calcul de la TASCOM de l’année 2010.