Sens des conclusions
Rejet, dans toutes ses conclusions, de la requête d’appel de l’EURL KC Enterprise. L’EURL KC Enterprise ne rapporte pas la preuve du transport physique des marchandises en cause hors de la communauté européenne, notamment par le jugement du Tribunal de Commerce de Thonon les Bains du 17 avril 2014.
La société KC Enterprise, qui a son siège à Ville la Grand, en Haute-Savoie, exerce une activité d’importation et d’exportation d’articles de sports d’hiver.
La vérification de comptabilité dont elle a fait l’objet a donné lieu à la remise en cause de l’exonération sur la Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA) prévue par l’article 262 I du Code Général des Impôts (CGI) dont la société s’est prévalue pour les années 2007, 2008 et 2009.
Si les rappels afférant aux exportations réalisées vers une société allemande, la société Sichiskis Eazyling, ont finalement fait l’objet d’une décharge en cours de contrôle, ceux correspondant aux exportations réalisés avec la société suisse Gemini design Partners n’ont fait l’objet que d’une modification à la baisse ce qui a donné lieu à l’examen, par le Tribunal Administratif de Grenoble, d’une demande de décharge d’un montant de 47.183 euros de rappels de TVA restant en litige.
Par jugement n° 1106624 du 19 janvier 2015, dont la société KC Enterprise relève appel, la 7ème chambre de ce Tribunal n’a pas fait droit à cette demande de décharge, considérant que la société requérante n’établissait pas la réalité des opérations d’exportation réalisées au bénéfice de la société Heidi Skis Gemini et restant en litige, faute, notamment, de produire les déclarations d’exportation dûment visées par le service des douanes du point de sortie du territoire douanier de l’Union européenne.
La société KC Enterprise inscrit ce litige dans le cadre des relations qu’elle entretient avec, d’une part, une société autrichienne, fabricant et fournisseur de skis, et la société suisse Gemini design Partners, dont l’activité principale est la vente de skis, notamment sous la marque Heidi Skis, auprès de clients canadiens et américains. Et la société requérante met en exergue un litige d’ordre commercial, découlant de malfaçons sur les skis fabriqués par la société autrichienne et vendus par KC Enterprise à Gemini design Partners, cette dernière ayant assigné KC Enterprise devant le Tribunal de Commerce de Thonon les Bains, et KC Enterprise s’étant retournée contre son fournisseur autrichien en saisissant le Tribunal autrichien de Feldkrich, lequel a, selon la requérante, ordonné une expertise.
Du jugement que le Tribunal de Commerce de Thonon les Bains a rendu le 17 avril 2014, jugement condamnant notamment KC Enterprise à rembourser à Gemini design Partners la somme de 101.943, 63 euros au titre des skis défectueux, de ce jugement la requérante voudrait tirer la justification de l’exportation, hors de la communauté européenne, des paires de skis pour lesquelles l’administration fiscale n’a pas admis l’exonération de TVA. De manière quelque peu abusive KC Enterprise affirme que ce jugement aurait admis (en p.9) l’existence de 320 paires de skis correspondant à trois factures, des 30 juin 2008, 22 octobre 2008 et 4 avril 2009, et aurait admis aussi que sur ces 320 paires 58 auraient été vendues, 111 auraient été retournées en raison de défauts de fabrication et que le reste aurait été retiré de la vente et se trouverait « entreposé soit en Suisse soit aux Etats-Unis », ce dont il faudrait donc déduire une exportation effective de ces matériels hors de l’Union européenne. Toutefois, cette partie du très long jugement du Tribunal de Commerce de Thonon les Bains correspond au seul exposé très exhaustif des moyens des parties et plus précisément ici à ce qu’expose KC Enterprise elle-même, car a aucun moment le jugement ne reprend dans ses Attendus des affirmations aussi nettes, ce jugement apparaissant beaucoup moins clair en ce qui concerne l’acheminement de ces paires de skis, précisant notamment à ce sujet que « le nombre de paires de skis défectueux est à l’époque de 207 paires (dont 111 paires en provenance de la société Gemini design Partners) sur 500 paires produites, sans savoir si ce dernier nombre comprend les 200 paires fabriquées mais non livrées (…) », et ajoutant en ce qui concerne précisément la demande complémentaire de la société KC Enterprise au titre de la TVA, « que ce sont la totalité des mouvements avec la société Gemini design Partners qui sont concernés et non quelques livraisons ; qu’il existe également un autre problème du même ordre avec un client allemand ; qu’il appartenait à la société KC Enterprise de s’informer et d’exiger le retour des documents adéquats dès la première livraison ; et que les conseils qui auditent et arrêtent les comptes de la société KC Enterprise auraient dû attirer son attention dès la clôture des comptes 2008. ».
Selon KC Enterprise, ce jugement prouverait ses exportations hors Union européenne, dans un contexte où faute d’accord transactionnel avec Gemini design Partners, elle ne peut produire que des factures, les documents douaniers pouvant justifier le transfert du matériel des biens vendus hors du territoire national restant, selon elle, en possession de Gemini design Partners.
L’administration fiscale n’a pas retenu les factures adressées à Gemini design Partners faute de pouvoir identifier les destinataires finaux, sauf lorsque les bordereaux d’expédition internationale Fedex avaient été tamponnés par la douane de Roissy, et cela malgré l’absence de présentation des déclarations en douane au sens des dispositions de l’article 74 de l’annexe III du CGI.
Cette preuve objective par tout moyen qu’admet l’administration fiscale est reconnue en matière de TVA intracommunautaire : voyez sur ce point la décision du Conseil d’Etat n° 326333 du 26 mars 2012 Société CERP Lorraine, confirmant un arrêt de la Cour de Nancy 07 NC 1465 du 22 janvier 2009, ou encore la décision du Conseil d’Etat n° 362827 du 6 mars 2014 Société Pacoclean. La Cour de Lyon admet pour l’heure un mode de preuve alternative, mais de manière tout de même limitative : voyez à ce sujet l’arrêt de la 5ème chambre de la Cour 15LY03542 du 9 mars 2017 EURL Eliepourelle. Cette approche pourrait être encore assouplie au regard de ce que nous venons d’indiquer.
Cette preuve ne peut, comme le précise l’administration fiscale résulter de la seule circonstance que l’acheteur était, comme ici, de nationalité étrangère et résidait à l’étranger (Conseil d’Etat n° 14979 du 29 juin 1981) . Et, au-delà des factures qui n’ont pas été retenues, comme nous l’avons vu, du jugement du Tribunal de Commerce de Thonon les Bains du 17 avril 2014 il apparaît impossible de déduire l’exportation des paires de skis restant en litige hors de l’Union européenne.
Ainsi, l’administration fiscale était bien fondée à refuser d’admettre l’exonération des ventes litigieuses.
Par ces motifs nous concluons, au rejet, dans toutes ses conclusions, de la requête d’appel de l’EURL KC Enterprise.