Seul le législateur est compétent pour interdire ou limiter la faculté pour les propriétaires de procéder à la division de leurs propriétés foncières

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Décision de justice

CAA Lyon, 1ère chambre – N° 12LY01921 – Commune d’Alba-la-Romaine – 25 juin 2013 – C+

Juridiction : CAA Lyon

Numéro de la décision : 12LY01921

Date de la décision : 25 juin 2013

Code de publication : C+

Index

Mots-clés

Compétence du législateur, Droit de propriété

Rubriques

Urbanisme et environnement

Résumé

Ni l’article L. 123-1 du code de l’urbanisme, ni aucune autre disposition législative ne confèrent compétence aux auteurs des plans d’occupation des sols et des plans locaux d’urbanisme pour interdire par principe ou pour limiter la faculté reconnue aux propriétaires de procéder à la division d’une ou de plusieurs propriétés foncières en vue de l’implantation de bâtiments. Cette faculté, qui participe de l’exercice du droit des propriétaires à disposer de leurs biens, appartient au seul législateur qui peut en fixer les limites.

Conclusions du rapporteur public

Jean-Paul Vallecchia

Rapporteur public à la cour administrative d'appel de Lyon

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DOI : 10.35562/alyoda.6100

La Commune d’Alba la Romaine, dans le Département de l’Ardèche, conteste devant votre Cour le jugement n° 1000180 du 24 mai 2012 par lequel les magistrats de la 2ème chambre du Tribunal Administratif de Lyon ont, à la demande de M. et Mme G., annulé l’arrêté municipal du 3 août 2009 octroyant à M. B. un permis de construire, sur une parcelle de terrain cadastrée A n° 1815 située quartier La Plaine, une maison d’habitation.

Ce projet avait fait l’objet d’une première autorisation de construire délivrée le 29 août 2006 et annulée par le Tribunal Administratif de Lyon le 14 mai 2009.

La nouvelle autorisation, du 3 août 2009, est intervenue dans la suite du réexamen de la demande de M. B. par le Maire d’Alba la Romaine après l’annulation juridictionnelle du 14 mai 2009.

Cette affaire s’inscrit dans le cadre d’un litige de voisinage qui semble avoir dépassé la seule dimension du droit de l’urbanisme à laquelle il aurait dû se limiter…

Les premiers juges ont d’abord estimé que le dossier de demande de permis de construire de M. B. était incomplet au regard des dispositions de l’article R421-2 du Code de l’Urbanisme, précisément en ce qui concerne la situation du projet dans le paysage lointain.

Les premiers juges ont ensuite considéré que le projet en cause devait s’implanter sur une parcelle de terrain devant être regardée comme appartenant à un lotissement, au sens de l’article L442-1 du Code de l’Urbanisme, n’ayant fait l’objet d’aucune déclaration préalable conformément aux dispositions de l’article L442-3 du Code de l’Urbanisme et, en conséquence, non autorisé.

Les premiers juges ont enfin, en application des dispositions de l’article NB 2 du Règlement du Plan d’Occupation des Sols (POS) de la Commune d’Alba la Romaine – le terrain d’assiette du projet étant situé en zone NB de ce POS – déduit que le projet de construction de M. B. s’inscrivait dans un lotissement interdit par ces dispositions.

La Commune d’Alba la Romaine interjette donc appel de ce jugement du Tribunal Administratif de Lyon.

Sur la composition du dossier de permis de construire… certes le dossier de demande de permis de construire ne comporte qu’une seule photographie au lieu des deux requises par le 5°) de l’article R421-2 du Code de l’Urbanisme, mais il s’agit d’une vue panoramique qui permet d’avoir une assez bonne idée du site dégagé où se trouve le terrain du projet et de sa situation par rapport à la maison des voisins qui contestent ce projet.

Sous cette vue panoramique figure le photomontage du projet, dans le même angle de vue.

La notice descriptive du projet donne suffisamment de précisions à notre sens tant sur les caractéristiques du terrain lui-même, de 4000 m², en pente douce et sans végétation, bordé à l’Est par un ruisseau, et sur l’implantation de la maison, en partie haute de ce terrain, ainsi que sur les principaux éléments constitutifs de cette maison, l’assainissement, l’alimentation en eau potable et en électricité.

Si, dans les environs de ce projet, se trouvent les ruines d’un théâtre antique classées au titre des Monuments Historiques, aucune précision permettant d’évaluer la situation de ce monument dans le champ de visibilité du projet ne nous est communiquée.

Dans ce contexte, et eu égard à la taille du projet de M. B., il nous paraît que les premiers juges ont retenu à tort ce premier motif d’annulation ; motif que nous vous invitons en conséquence à infirmer.

Sur l’application de l’article L421-6 du Code de l’Urbanisme… comme nous le savons, un permis de construire ne peut effectivement être délivré sur un terrain compris dans un lotissement non autorisé.

Ici, il semble bien qu’un lotissement a été créé en 1997, par division et vente de la propriété d’origine – une vaste unité foncière appartenant à M. P. – d’une part, pour ce qui concerne sa partie Ouest, à M. J., et, d’autre part, pour sa partie Sud, aux parents de M. et Mme G. ; ces divisions en propriété ayant été réalisées en vue de l’implantation de maisons d’habitation, ce qui répond à la définition d’un lotissement au sens de l’article R315-1 du Code de l’Urbanisme : voyez par exemple Conseil d’Etat n° 93253 du 22 juin 1992 M. C.

Or, comme cela est prévu par l’article R315-3 du Code de l’Urbanisme, tout lotissement doit faire l’objet d’une autorisation, ce qui n’a pas été le cas du lotissement créé en 1997 qui nous occupe.

La Commune d’Alba la Romaine oppose à cette difficulté la prescription décennale de l’action en justice née de la violation de la règlementation applicable aux lotissements prévue par l’article L480-16 du Code de l’Urbanisme.

Cette prescription décennale a succédé à une prescription trentenaire depuis la loi n° 085-729 du 18 juillet 1985 relative à la définition et à la mise en œuvre des principes d’aménagements.

L’article L480-16 du Code de l’Urbanisme précise que passé ce délai de 10 ans « la non observation de la règlementation applicable aux lotissements ne peut plus être opposée. ».

Les premiers juges ont écarté l’application de cette prescription, laquelle n’empêcherait pas un tiers de se prévaloir de la méconnaissance de cette règlementation à l’occasion d’un recours pour excès de pouvoir.

Pourtant, il ressort des travaux parlementaires de la loi du 18 juillet 1985, notamment du rapport de la commission des affaires économiques et du plan, que, passé ce délai, non seulement l’action en nullité des ventes ne peut plus être intentée, mais aussi que la situation irrégulière du terrain au regard de la règlementation des lotissements ne peut plus justifier le refus d’un permis de construire.

Le rapport fait le 30 octobre 1984 devant le Sénat au nom de la Commission des Affaires Economiques et du Plan par le Sénateur Marcel Lucotte précise en effet en ce qui concerne le point de la prescription de l’action en justice en matière de lotissements, qu’afin de remédier à la lourdeur de la prescription trentenaire il est proposé de « ramener à dix ans la prescription de l’action en nullité et d’autoriser, passé ce délai, la délivrance du permis de construire. ».

L’exception de prescription décennale opposée par la Commune d’Alba la Romaine nous paraît en conséquence devoir être retenue, ce qui vous conduirait à censurer aussi le deuxième motif d’annulation retenu par les premiers juges.

Sur l’application enfin de l’article NB2 du Règlement du POS d’Alba la Romaine qui interdit les lotissements ou groupes d’habitation ainsi que toutes les occupations et utilisations du sol non prévues à l’article NB1 …

Vous constaterez aisément que le permis de construire contesté, qui n’est pas un permis valant division, n’autorise aucun lotissement : Conseil d’Etat n° 271897 du 30 novembre 2007 Ville de Strabourg. Et, qui plus est, comme le soutient la Commune, les auteurs d’un PLU ou d’un POS n’ont pas, quoiqu’il en soit, compétence pour limiter ou interdire la faculté reconnue aux propriétaires de diviser leurs propriétés foncières : Section du Contentieux du Conseil d’Etat n° 342908 du 27 juillet 2012 M. H.

L’infirmation des trois motifs d’annulation retenus par le Tribunal Administratif de Lyon appellerait alors l’examen, par l’effet dévolutif de l’appel, d’un dernier moyen, celui selon lequel les travaux réalisés par M. B. ne correspondraient pas au permis de construire accordé.

S’agissant d’un permis de construire de régularisation, il serait peut-être un peu expéditif d’opposer la distinction entre la délivrance d’un permis de construire et les problèmes liés à l’exécution de ce permis.

Mais le remblai qui est critiqué par M. et Mme G. ne semble avoir en rien modifié les caractéristiques de la construction qui a été autorisée.

Aussi, ce dernier moyen, devrait aussi, à notre sens, être écarté.

Par ces motifs, nous concluons à l’annulation du jugement n° 1000180 du 24 mai 2012 de la 2ème chambre du Tribunal Administratif de Lyon, au rejet de la demande de M. et Mme G. et au rejet, dans les circonstances tendues de cette affaire, des conclusions que les parties ont formulées au titre de l’article L761-1 du Code de Justice Administrative.

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