M. B. avait contesté devant le Tribunal administratif de Dijon l’arrêté du 17 août 2011 par lequel le Maire de la Commune de Bellefond lui avait refusé le permis de construire un garage à voiture dans le cadre de l’activité de son activité de taxi.
Par jugement n° 1102331 du 28 juin 2012, les magistrats de la 1ère chambre du Tribunal administratif de Dijon ont annulé l’arrêté du 17 août 2011 que le Maire de Bellefond avait opposé à M.B., après avoir requalifié cet arrêté de refus de permis de construire en arrêté de retrait de permis tacite né dans la suite de l’expiration du délai d’instruction de droit commun de deux mois prescrit par l’article R423-23 du code de l’urbanisme, délai courant à compter du dépôt – contre récépissé – le 20 mai 2011 – du dossier de demande de permis de construire en question, et après avoir constaté que cette décision de retrait n’avait pas été précédée de la procédure contradictoire prévue par l’article 24 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 et avait en conséquence été édictée selon une procédure irrégulière.
La commune de Bellefond interjette donc appel de ce jugement en soutenant que le raisonnement des premiers juges serait erroné en droit, des pièces complémentaires ayant été réclamées à M. B. par lettre du 22 février 2011 dans lequel était annoncé un délai d’instruction de trois mois, et ces pièces complémentaires ayant été déposées le 20 mai 2011 ;
Pour la commune, ce délai de trois mois – prescrit par l’article R423-23 c) du code de l’urbanisme « pour les autres demandes de permis de construire (…) » que celles prévues aux a) et b) du même article – aurait en conséquence couru à compter du 20 mai 2011 et n’était pas arrivé à son terme le 17 août 2011, date de signature de l’arrêté litigieux par le Maire de Bellefond.
Or, les premiers juges ont considéré que le délai de trois mois qui avait été annoncé par le service instructeur à l’occasion de la demande de pièces complémentaires constituait une erreur, le délai d’instruction prévu par l’article R423-23 b) du code de l’urbanisme pour une maison individuelle ou ses annexes étant de deux mois comme cela avait d’ailleurs été indiqué sur le récépissé de dépôt de demande de permis de construire délivré à M. B.…
Qu’en est-il exactement sur ce point du délai d’instruction qui devait s’appliquer à la demande de permis de construire un garage présentée par M. B.… ?
Comme nous le savons, en vertu des dispositions de l’article L424-2 du code de l’urbanisme, le permis de construire est – sauf certaines exceptions qui n’ont jamais été revendiquées par la commune comme par exemple la nécessité de consulter l’Architecte des Bâtiments de France par application des dispositions de l’article R424-3 du code de l’urbanisme – le permis de construire est donc tacitement accordé si aucune décision n’est notifiée au demandeur à l’issue du délai d’instruction…
Mais qu’en est-il alors de ce délai, aux niveaux de sa durée et de son point de départ… ?
Le délai court à compter de la réception en mairie d’un dossier complet ; des pièces complémentaires peuvent être demandées par le service instructeur au plus tard dans le mois suivant le dépôt ou la réception en mairie du dossier complet ; ces pièces complémentaires doivent être transmises au plus tard dans les trois mois de la demande. Ce sont les dispositions des articles R423-19, R423-38 et R423-39 du code de l’urbanisme qui contiennent ces prescriptions.
Ici la demande de pièces complémentaires a bien été formulée dans le délai d’un mois à compter du dépôt du dossier – le 22 février 2011 pour un dossier déposé le 31 janvier 2011 – et ces pièces complémentaires ont bien été réceptionnées – comme en atteste le récépissé du 20 mai 2011 – avant l’expiration d’un délai de trois mois ayant suivi la demande.
Le délai de droit commun de deux mois est fixé par les dispositions de l’article R423-23 b) du code de l’urbanisme : « Deux mois pour les demandes de permis de démolir et pour les demandes de permis de construire portant sur une maison individuelle, au sens du titre III du livre II du code de la construction et de l’habitation et de ses annexes ; (…) » dit le texte…
Alors, le garage de M. B. constitue-t-il une annexe d’une maison individuelle au sens du b) de l’article R423-23 du code de l’urbanisme… ?
Le renvoi par ces dispositions du code de l’urbanisme au titre III du livre II du code de la construction et de l’habitation, code vers lequel la commune voudrait vous orienter – pour ne pas dire vous détourner…- ne nous paraît pas pouvoir régler la question des annexes attachées à une maison individuelle, puisque ce sont bien ces annexes qui nous intéressent et non la maison elle-même…Au demeurant l’existence d’un contrat de maison individuelle avec fourniture de plan ou sans fourniture de plan ne permettrait d’ailleurs pas d’affirmer que nous ne serions pas en présence d’une maison individuelle…En revanche, la définition donnée par le code de la construction et de l’habitation à une maison individuelle – un immeuble à usage d’habitation ou un immeuble à usage professionnel et d’habitation ne comportant pas plus de deux logements et destinés au même maître de l’ouvrage – correspond bien à la situation de M. B..
Par ailleurs, le fait que M. B. ait précisé que son garage – qui est bien une annexe de sa maison comme tout garage distinct de la maison d’habitation elle-même – était destiné à son activité professionnelle ne contrevient pas à la définition de la maison individuelle donnée par le code de la construction et de l’habitation, celle-ci pouvant avoir la double vocation résidentielle et professionnelle…
C’est en conséquence le délai de deux mois de l’article R423-23 b) du code de l’urbanisme qui devait, nous semble-t-il, s’appliquer à la demande de M. B., comme les premiers juges l’avaient d’ailleurs eux-mêmes relevé.
Et la circonstance que le maire de Bellefond ait commis une erreur en annonçant à tort un délai d’instruction de trois mois à l’occasion de sa demande de pièces complémentaires, avant de revenir au délai de droit commun de deux mois dans le récépissé de dépôt des pièces complémentaires, ne peut que rester sans incidence sur la règle de droit qui devait, comme nous venons de le démontrer, s’imposer.
Ainsi, et sans aller jusqu’à la confirmation au fond de la solution retenue par le Tribunal administratif de Dijon, votre Cour sera d’abord conduite à constater que les premiers juges ont reconnu à M. B. un droit à construire au travers de la naissance d’un permis de construire tacite.
La reconnaissance de ce droit à construire impliquait nécessairement que la requête d’appel de la Commune de Bellefond fut accompagnée de l’accomplissement des formalités prescrites par l’article R600-1 du Code de l’Urbanisme : voyez par exemple sur ce point Conseil d’Etat n° 335591 du 28 septembre 2011 commune de Grimaud.
Voilà pourquoi votre Cour a informé les parties à l’instance, par lettres du 19 décembre 2012, qu’elle était susceptible de relever d’office le moyen d’irrecevabilité de la requête de la commune de Bellefond en raison du non accomplissement des formalités prévues par l’article R600-1 du code de l’urbanisme.
La commune de Bellfond a répondu à ce moyen d’ordre public en se référant au seul texte de l’article R600-1 – mais pas à son interprétation jurisprudentielle – et en se référant à l’obligation d’affichage du permis sur le terrain et aux mentions de cet affichage – dont l’article R600-1 – lesquelles mentions n’ont une incidence que sur le délai de recours, alors que les formalités de notification constituent – en elles-mêmes – une autre cause d’irrecevabilité.
En conséquence, après avoir constaté que le jugement de première instance avait reconnu à bon droit le droit à construire de M. B., votre Cour sera fondée à rejeter la requête de la commune de Bellefond comme étant irrecevable.
Par ces motifs, nous concluons au rejet de la requête qui vous est présentée par la commune de Bellefond en raison de son irrecevabilité.