Précisions sur la participation pour non-réalisation de places de stationnement prescrite par le permis de construire

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Décision de justice

CAA Lyon, 1ère chambre – N° 11LY01809 – 27 mars 2012 – C+

Juridiction : CAA Lyon

Numéro de la décision : 11LY01809

Numéro Légifrance : CETATEXT000025597800

Date de la décision : 27 mars 2012

Code de publication : C+

Index

Mots-clés

Permis de construire, Participation pour non-réalisation de places de stationnement

Rubriques

Urbanisme et environnement

Résumé

Absence d'obligation pour la commune d'affecter la participation pour non-réalisation de places de stationnement prescrite par le permis de construire au financement d’un parc public de stationnement situé à proximité du terrain concerné par le permis de construire, ou dans la même partie agglomérée du territoire communal ; absence de conditions ou de restrictions relatives aux modalités de gestion et de fonctionnement de ce parc.

Conclusions du rapporteur public

Jean-Paul Vallecchia

Rapporteur public à la cour administrative d’appel de Lyon

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DOI : 10.35562/alyoda.5977

Les consorts R. ont obtenu, le 23 novembre 1993, le permis de construire, au lieudit le Praz, sur le territoire de la Commune de Saint-Bon Tarentaise, un chalet à usage d’habitation.

Cette opération a fait l’objet, le 9 mars 1995, d’un permis de construire modificatif relatif notamment la modification de l’aménagement intérieur du chalet par la suppression de garages avec une augmentation de la Surface Hors Œuvre Nette (SHON), celle-ci passant de 228 m2 à 447 m2.

Ce permis de construire modificatif prévoyait le versement par ses bénéficiaires – sur le fondement de l’article L421-3 du Code de l’Urbanisme alors en vigueur – d’une participation de 320.000 francs au titre de la non réalisation des aires de stationnement, le projet présentant un déficit de 8 places de stationnement et l’article UA 12 du Règlement du Plan d’Occupation des Sols (POS) de la Commune imposant la réalisation d’une place de parking pour 60 m2 de SHON.

M. et Mme R. avaient le projet de réaliser une aire de stationnement sur une parcelle cadastrée G.925 située à proximité de leur chalet, et dont Mme R. était propriétaire, mais cette parcelle, ainsi qu’une autre, cadastrée G.877, également propriété de Mme R., faisaient alors l’objet d’un emplacement réservé pour la réalisation du lotissement de la Perellaz, une opération déclarée d’intérêt public.

Ces deux parcelles ont donc été vendues par Mme R. à la Commune de Saint-Bon Tarentaise le 21 août 2000 et les époux R. se sont acquittés de leur participation au titre de la non réalisation des aires de stationnement, par compensation entre le montant de la vente de ces deux parcelles et le montant de leur participation.

Par lettre du 25 juillet 2007 M. et Mme R. ont saisi le Maire de Saint-Bon Tarentaise d’une demande de remboursement de la participation qui avait été mise à leur charge.

Les époux R. se fondaient sur l’article R322-22 d) du Code de l’Urbanisme aux termes duquel : « Le redevable de la participation en obtient, sur sa demande, le dégrèvement ou la restitution : (…) d) Si, dans le délai de cinq ans à compter du paiement, la commune ou l'établissement public compétent n'a pas affecté le montant de la participation à la réalisation d'un parc public de stationnement. ».

Les époux R. indiquaient alors au Maire de Saint-Bon Tarentaise qu’ils n’avaient pas constaté que, dans les cinq années du versement de leur participation, la Commune aurait affecté cette participation à la réalisation d’un parc public de stationnement.

Par lettre du 6 septembre 2007 le Maire de Saint-Bon Tarentaise avait répondu à M. et Mme R. qu’il ne pouvait leur donner satisfaction leur demande n’ayant pas été formulée dans les cinq ans à compter de leur dernier versement.

Par jugement n° 00704925 du 16 mai 2011 le Tribunal Administratif de Grenoble a rejeté le recours qui leur était présenté par M. et Mme R. tendant à la restitution de la somme de 48.763 euros correspondant à la participation pour non réalisation d’aires de stationnement mise à leur charge par le permis de construire modificatif du 9 mars 1995.

Sans statuer sur la fin de non-recevoir qui était opposée à ce recours par la Commune, les premiers juges ont constaté que la Commune de Saint-Bon Tarentaise avait réalisé dans le délai de cinq ans prescrit par le Code de l’Urbanisme un parc de stationnement public de 220 places situé Route de Bellecôte à Courchevel 1850, ce qui satisfaisait tant aux exigences du Code de l’Urbanisme qu’à celles du Règlement du Plan d’Occupation des Sols (POS), lesquelles n’imposaient aucune condition de distance entre le chalet ayant fait l’objet du permis de construire modificatif du 9 mars 1995 et le parc public de stationnement réalisé par la Commune.

M. et Mme R. font donc appel de ce jugement…Ils continuent de soutenir que la Commune n’a réalisé, dans le délai de cinq années qui est prescrit, aucun parc de stationnement dans la périphérie du lieu-dit Le Praz où se situe leur chalet et qu’ils disposaient à compter de l’expiration de ce délai, conformément aux dispositions de l’article R196-1 du Livre des Procédures Fiscales, d’une période de deux années pour réclamer la restitution de leur participation.

La Commune de Saint-Bon Tarentaise oppose à la requête des époux R. une fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de la demande de première instance…

Selon la Commune, la procédure contentieuse applicable aux litiges relatifs à la participation pour non réalisation d’aires de stationnement relève, en vertu de l’article R332-23 du Code de l’Urbanisme, de la compétence du juge administratif et du régime du contentieux des créances fiscales. Et les réclamations en restitution devraient ainsi être présentées à l’administration, conformément à l’article R196-1 c) du Livre des Procédures Fiscales, au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle « de la réalisation de l’évènement qui motive la réclamation », dit le texte du Livre des Procédures Fiscales.

L’application du régime du contentieux des créances fiscales découle effectivement des dispositions de l’article R.332-23 du Code de l’Urbanisme – voyez sur ce point Conseil d’Etat n° 79077 du 9 novembre 1990 Ville D’Aurillac – même si la participation pour non réalisation d’aires de stationnement ne doit pas être regardée comme une imposition mais comme une participation que la loi autorise, la Commune à percevoir sur le bénéficiaire d’un permis de construire à raison d’équipements publics dont la réalisation est rendue nécessaire par la construction : Conseil d’Etat n° 189805 du 26 mars 1999 M. X.

Par ailleurs, la Commune faisant courir le délai de cinq ans de l’article R. 332-22 du Code de l’Urbanisme à compter du 23 juillet 1997 – date du paiement du solde de la participation en question – elle décompte donc le délai de deux ans de l’article R196-1 du Livre des Procédures Fiscales à partir du 23 juillet 2002 et en arrête le terme au 31 décembre 2004… alors que M. et Mme R. ont saisi le Maire de Saint-Bon Tarentaise d’une demande de remboursement le 25 juillet 2007…

Mais ce calcul est contestable dans la mesure où le paiement par chèque du 23 juillet 1997 d’une somme de 19.850 francs de la part des époux R. ne correspond pas au paiement du solde de la participation en cause, la plus grande partie de ce paiement – de 270.150 francs –  n’étant intervenue que, par compensation, lors de la vente à la Commune, le 21 août 2000, de deux parcelles de terrain appartenant à Mme R.

Le délai de 5 ans prévu par le Code de l’Urbanisme suivi du délai de 2 ans du Livre des Procédures Fiscales doit donc être calculé à partir du 21 août 2000, soit une échéance au 31 décembre 2007.

La réclamation administrative du 25 juillet 2007 n’était en conséquence pas tardive.

Sur le fond de cette affaire…

M. et Mme R. critiquent d’abord le fait que le Maire de Saint-Bon Tarentaise ayant opposé, par lettre du 6 septembre 2007, à leur réclamation administrative du 25 juillet 2007, un refus fondé sur la tardiveté de leur réclamation, les premiers juges n’auraient pu – selon eux – rejeter leur demande en se fondant sur un autre motif…

Mais M. et Mme R. raisonnent comme s’ils traitaient d’un recours en annulation alors que nous nous trouvons ici dans le cadre d’un recours de plein contentieux dont les premiers juges ont examiné le bien-fondé : voyez par exemple sur ce point Conseil d’Etat n° 055325 du 5 novembre 1984 MINISTRE DE L’ECONOMIE, DES FINANCES ET DU BUDGET.

Sur l’application du d) de l’article R332-22 du Code de l’Urbanisme…M. et Mme R. ne contestent la réalisation, dans les cinq ans, d’un parking public mais considèrent que ce parking, réalisé à Courchevel 1850, à quelques 9 km de leur chalet, à 1300 m d’altitude, ne présente aucune utilité pour les habitants du chalet, d’autant plus qu’il est payant et uniquement ouvert durant la saison des sports d’hiver.

L’article R.332-22 du Code de l’Urbanisme ne fixant aucune règle de distance pour la réalisation par la Commune d’un parking public, les requérants estiment que les prescriptions de l’article UA 12 du Règlement du POS s’imposaient à la Commune.

Selon ces dispositions : « (…) en cas d’impossibilité technique de pouvoir aménager le nombre d’emplacements nécessaires au stationnement sur le terrain de la construction projetée ou dans celle-ci, le constructeur peut être autorisé à reporter sur un autre terrain lui appartenant, situé à moins de 300 mètres du premier, les places de stationnement qui lui font défaut, à condition qu’il apporte la preuve que lui ou la Commune réalise ou fait réaliser lesdites places. ».

Mais cette possibilité de réaliser des stationnements à moins de 300 mètres de l’assiette foncière de la construction concerne le constructeur à titre privé et n’a aucun rapport avec l’obligation qui pèse sur la Commune, en vertu de l’article R.322-22 d) du Code de l’Urbanisme, d’affecter le montant de la participation en cause à la réalisation d'un parc public de stationnement, parc public auquel n’est en conséquence attaché aucune obligation de distance.

Par ailleurs, si M. et Mme R. envisageaient de réaliser ces stationnements sur une parcelle proche de leur chalet qui a été vendue à la Commune dans le cadre d’une opération d’intérêt public consistant dans la réalisation d’un lotissement, cela n’impliquait nullement pour la Commune l’obligation de réaliser des stationnements sur cette parcelle, la création du lotissement de La Perellaz n’ayant aucun lien direct avec l’opération de réaménagement du chalet des époux R. autorisée par le permis de construire modificatif du 9 mars 1995.

En réalisant le parking public de Courchevel 1850 dit parking public de Bellecôte la Commune de Saint-Bon Tarentaise nous paraît avoir satisfait à l’obligation d’affectation de la participation pour non réalisation d’aires de stationnement mise à la charge des époux R.

Par ces motifs nous concluons :

- au rejet, dans toutes ses conclusions, de la requête d’appel de M. et Mme R. ;

- à ce que soit mise à la charge de M. et Mme R. une somme de 1500 euros qui sera versée de la Commune de Saint-Bon Tarentaise au titre des frais irrépétibles.

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